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mercredi, 29 juin 2016 18:03

Rencontre avec les Gibbons (Thaïlande)

Photographe de formation, j'aime parcourir le monde et découvrir sa beauté.

Fin septembre 2015, je me trouve avec Julien, mon compagnon de voyage, au village de Mae Hong Son dans le nord de la Thaïlande. Mae Hong Son est un excellent pied à terre pour explorer les villages alentours. Je parcours cette zone pour la seconde fois, fascinée par les richesses de cette région.

En entreprenant ce voyage j'avais comme objectif principal d'aller à la rencontre des Karen, des réfugiés Birmans installés dans la région depuis plusieurs générations, mais également de redécouvrir ces paysages luxuriants dont la beauté m'avait émerveillée.

Chaque jour était un périple en soit ; nous roulions, sur les routes sinueuses du nord de la Thaïlande, environ 150 km à mobylette à vitesse, entre pluie diluvienne et éboulement en tous genre.

Ce matin là, en buvant un dernier café dans la petite cour de l’hôtel nous rencontrons un couple de Français et échangeons des banalités de baroudeurs. Mais au bout de quelques minutes à peine la jeune femme éclate en sanglot et me raconte la terrible mésaventure qu'ils ont vécu la veille :

Alors qu'ils traversaient un pont suspendu en pleine jungle, ils ont violemment été attaqué par 3 singes : un mâle, une femelle et son petit. Ils en portent d’ailleurs les stigmates et ont filmé toute la scène avec leur téléphone. Scotchée par ce que l’on me raconte, je pense tout de suite qu'il doit s’agir de macaques, singe très répandu et très peu farouche avec l’homme voire même pickpocket. Ils me tendent alors leur téléphone pour que nous visionnions la scène de l'attaque ; et là, stupéfaction : ils ont été attaqués par une famille de gibbons !!! le gibbon est un grand singe au chant enchanteur qui vit en pleine jungle à la cime des arbres. J'avais eu la chance lors de trek d'en apercevoir mais toujours de très loin. On m'avait expliqué lors d'une expédition au parc national de Khao Yai que ces singes ne se risquent à fouler le sol que lors de très rares occasions au cours de leur vie. En découvrant l’Asie, je me suis passionnée pour ce mammifère et j’espérais ramener cette fois de meilleurs clichés de l'espèce.

Malheureusement jusqu’ici l’occasion ne s'était pas présentée et sur mes photos les gibbons se fondent complètement dans la végétation très dense.
Imaginez mon excitation lorsque je comprends qu'ils ont approché cette espèce emblématique de la région alors que je désespère d'en faire autant.

Ni une ni deux ma décision est prise : nous partons à leur recherche. Après avoir glané des indications pour parvenir à ce fameux pont, nous prenons la route dans l'heure en direction des cascades « Susa».

Nous roulons une trentaine de km puis entamons les 8 000 derniers mètres de piste chaotique à travers jungle. Sur le chemin j'élabore une stratégie avec Julien : les maintenir à distance, ne jamais leur tourner le dos, et ne pas leur faire ressentir notre peur.

Arrivés enfin sur place, armés d'un gros bambou nous avançons prudemment jusqu'au pont.

Là, l’adrénaline est déjà bien présente ; tous mes sens sont aux aguets. Émerveillée et intimidée en même temps, je traverse le pont aussi silencieusement que possible en ayant la sensation d’être l’héroïne du dernier Indiana Jones.

Brusquement, en face de nous, un gros mâle descend de son arbre à toute vitesse. Il se balance sur le tronc, juste à notre niveau, en nous observant d'un air menaçant.

Immobiles, toujours silencieux, nous voyons le gibbon alerter ses congénères et nous voilà alors encerclés par un groupe de singes. Mon ami tape au sol de toutes ses forces avec le bambou en criant férocement pour intimider les bipèdes et les maintenir à distance.

Les singes se tiennent à une vingtaine de mètres à peine.

Ce moment fut l'une de mes plus belles expériences photo : pendant 10 minutes j'ai photographié sans relâche, j’étais en transe, bercée par les chants envoûtants des femelles. Subjuguée par mon sujet, j'avais oublié la peur, la moiteur étouffante, et les attaques des nuisibles. J'ai enfin obtenu les beaux clichés dont je rêvais comme par exemple celui d'une femelle berçant son petit.

Dévorés par les insectes nous bâtîmes lentement en retraite sans toutefois les quitter des yeux tandis qu'ils nous suivaient jusqu'à la piste. Un moment magique que d’immortaliser les gibbons sur ce pont loin de leurs habitudes arboricoles.

En rentrant nous avons partagé cette aventure avec les locaux du village qui nous dirons que des attaques de gibbon avaient déjà été signalées dans ce secteur, envoyant même quelques personnes à l’hôpital. Bien que nous nous en soyons sortis indemne, je suis tombée gravement malade 6 jours après, atteinte de l'infection tropicale Rickettsiae, transmise très certainement par les puces des singes : une première pour moi en 8 ans de voyage.

Je garde un souvenir inoubliable de cette aventure et chaque fois que j'y repense je revis cette excitation.

L’atmosphère de travail en photo animalière est riche en émotion !!!! J’espère pouvoir revivre beaucoup d'autres expériences comme celle là au cours de ma vie !!!

< Léa Bardet
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