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Carnet de route

Paraguay les richesses d’un pays oublié…

Le Paraguay, il faut le sentir… pour l’apprécier et le vivre à la hauteur des surprises qu’il réserve.

Il y a des pays qui se visitent et d’autres qui se vivent… Modeste de par sa taille et ses ambitions, sans accès à la mer, dépourvu de la plupart des richesses naturelles et architecturales dont jouissent ses géants voisins, le Paraguay a tout pour être le pays oublié et tranquille qu’il est… au plus grand plaisir de ses habitants. Vous l’aurez compris, la richesse du Paraguay, c’est avant tout ses habitants, leur sens de l’accueil inégalable et leur culture, source inépuisable de surprises pour le visiteur. En bref, et comme le dit si bien le slogan du Secretaria Nacional de Turismo : “Paraguay, tenés que sentirlo”…



Paraguay1Terre d’asile. Arrivés au Paraguay par la Bolivie, nous constatons dès les premières heures que nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Au beau milieu de la savane du Chaco, nous voilà plongés sans préavis aux États-Unis, entre odeurs d’Apfelstrudel et broderies prussiennes : nous découvrons, ébahis, la ville de Filadelfia, colonie mennonite fondée dans les années 1930 par des émigrés d’Europe de l’Est. Ici, l’allemand est langue vernaculaire. Mais tout le monde parle aussi le bas allemand, l’espagnol et le guarani !

S’il est largement oublié de l’Histoire, de ses voisins et des touristes, le Paraguay l’est beaucoup moins des milliers d’hommes et de femmes, persécutés et démunis, qui le choisirent comme terre d’accueil au cours du XXe s.: colons mennonites venus d’Allemagne, de Russie, du Canada et du Mexique, Japonais,

Brésiliens, Russes et Italiens répondirent à l’appel du Paraguay qui, à la suite de la guerre de la Triple Alliance, avait perdu 90 % de sa population masculine.

Guarani, mon amour… Si nous avons peu entendu parler guarani dans l’oasis germanophone de Filadelfia, le premier bus pour Asunción se charge de nous mettre dans l’ambiance : au Paraguay, que l’on soit indigène, blanc ou métis, on parle guarani. À tel point que le guarani est langue officielle du pays, au même titre que l’espagnol…

Cette particularité socio-linguistico-culturelle du Paraguay est expliquée par l’Histoire : pendant la conquête, des milliers d’hommes indigènes (majoritairement guaranis) furent massacrés, et leurs femmes prises pour concubines par les conquistadors. Responsables d’élever leurs enfants métis, ces dernières choisirent de le faire dans leur langue natale, garantissant ainsi la survie d’une partie de leur culture. Au terme d’une longue dictature qui voulut éradiquer cet héritage, les Paraguayens sont plus fiers que jamais de leur langue, qui, comme le guarani originel, se transmet oralement et s’écrit très peu.

Et leur amour pour le guarani n’en reste pas là : il est dans toutes les bouches, mais aussi dans toutes les mains, la monnaie du pays étant… le guarani ! Mais paradoxalement, l’esprit guarani si présent dans le quotidien des Paraguayens n’apporte pas aux indigènes qui peuplent encore le pays la vie décente et le respect dont ils devraient bénéficier. Les ancêtres sont idéalisés tandis que les compatriotes sont méprisés…




Amour et virtuosité pour la musique sont l’héritage des missionnaires jésuites qui, de 1609 à 1767, développèrent au Paraguay, au sud du Brésil et au nord de l’Argentine leur œuvre utopique : celle d’évangéliser dans la paix, la connaissance et l’amour de l’art. Pour découvrir ce qu’il reste de cette époque, nous quittons Asunción pour rejoindre la région Misiones, à trois heures de bus. Une nature verdoyante, à laquelle nous n’étions pas encore habitués, nous saute aux yeux.

Forêt tropicale froide, pâturage gras, rivières et points d’eau peuplés d’oiseaux… Il fallut pourtant à ces hommes une force de caractère inébranlable pour poursuivre leur oeuvre : après les indigènes rebelles aux nouveaux venus, ce furent les groupes de bandeirantes paulistes qui s’attaquèrent aux reducciones. La situation devint telle que les Jésuites, normalement pacifistes, armèrent les indigènes qui finirent par assurer leur propre sécurité. Mais les missions étaient avant tout un lieu de paix et d’accueil, la “Terre sans mal” évoquée dans la mythologie guarani, où les Indiens persécutés par les trafiquants d’esclaves trouvaient refuge. On y vivait de manioc et de musique, travaillant en priorité pour la communauté.

Paraguay2L’art y était d’une importance extrême, ce qui, aujourd’hui encore, se ressent lorsqu’on parcourt les ruines gigantesques de Trinidad et Jesús, ou l’impressionnante collection de sculptures du musée de San Ignacio Guazu. Sensibilité, équité et travail avaient fait des missions le premier état “socialiste” de l’Amérique postcoloniale. Un modèle de développement qui apporta la prospérité aux Jésuites, mais qui fit aussi leur perte : devenus trop gênants pour la couronne espagnole, ils furent expulsés d’Amérique en 1767.

Jamais sans mon maté ! La région des missions jésuites est également le centre de la production de yerba maté du pays. L’Ilex paraguayensis, dont les feuilles sont utilisées pour la fabrication de cette boisson, est originaire des rives du rio Paraná, rivière partagée entre le Paraguay, l’Argentine et le Brésil. Ce sont les Guaranis, nous explique notre guide, qui ont transmis aux Européens cette coutume.

Aujourd’hui, les feuilles récoltées à la main sont préparées par des machines. Pourtant, certaines traditions doivent être respectées pour conserver la saveur très particulière de la plante : le séchage au feu de bois en est un exemple.

Les feuilles sont ensuite moulues deux fois, entre temps entreposées plusieurs années, puis empaquetées. Ne reste ensuite qu’à préparer la fameuse boisson en remplissant un maté (c’est-à-dire le récipient en bois, en aluminium ou en corne) de yerba maté que l’on noie dans de l’eau à 80 °C (interdiction de la faire bouillir !). Les lèvres viennent pincer la bombilla (sorte de pipette permettant de filtrer l’eau) et aspirent le liquide. L’amertume saisit, puis réchauffe. La caféine réveille et les nombreux sels minéraux et vitamines nourrissent.



 
Paraguay3 Les Paraguayens ne boivent pas que du maté.

Il leur arrive en effet de laisser de côté leur thermos pour une bouteille de bière. C’est ce que nous constatons le jour de la fête patronale de Yagarón quand, après la dernière messe prononcée en plein air, la petite ville se change en un décor de western.

Les cavaliers, qui se tenaient en retrait devant le parvis de l’église, se chargent de mettre de l’ambiance. Fiers sur leurs montures pomponnées, un chapeau de cow-boy sur la tête, ils guident la foule vers leur terrain de jeu, au bout de la rue.

Les stands de nourriture s’échelonnent jusqu’à l’arène où aura lieu dans l’aprèsmidi la corrida de toro ou torin, divertissement où il n’est pas question de tuer l’animal, mais plutôt de le titiller (clowns et toreros s’en donnent à coeur joie) jusqu’à ce qu’épuisé par sa propre masse graisseuse, il s’écroule, haletant, sur ses genoux.

Mais en attendant, nous sommes conviés à assister à la sortija.

Dans une rue sableuse, cavaliers hommes et femmes s’affrontent dans une sorte de concours de danse de chevaux.

C’est à celui ou celle qui décrit les plus belles figures, poussant au galop sa monture qui danse en binôme avec un autre cheval. Après une heure à ce train-là, les cavaliers sont aussi fatigués que leurs chevaux.

Des caisses de Brama leur sont apportées, et la fête commence.

Sur un gril géant, d’énormes morceaux de viande fument, délectant les narines des villageois. Nous sommes ici en terre d’élevage, l’un des principaux revenus du pays. Monter à cheval est une seconde nature, porter des bottes en cuir, une mode et manger de la viande cuite a la parilla, une norme.





Paraguay4Écumante, la locomotive souffle une vapeur épaisse, aspergeant ses alentours de salive chaude. Debout derrière les commandes, un homme à moustaches vient de charger de grosses bûches dans la gueule rougeoyante de la bête.

Les derniers passagers arrivés rejoignent leur wagon.

La locomotive siffle… c’est parti pour un petit voyage dans le temps !

Quelle meilleure façon de clore notre séjour paraguayen que de s’offrir une virée dans le dernier train à bois du monde encore en service ? Pour cela, il nous a fallu revenir à Asunción d’où part l’équipage deux dimanches par mois.


La locomotive et ses wagons, vieux de cent cinquante ans, ont été réhabilités pour le tourisme en 2002 et ne parcourent qu’une vingtaine de kilomètres.

Mais c’est aujourd’hui le seul train en service du pays depuis l’abandon du réseau ferroviaire en 1998.

Lentement, le train nous porte vers un horizon enfumé.

Ce dernier voyage est une belle métaphore de notre séjour au Paraguay : rien ne sert de courir lorsqu’on n’y voit rien.

Un peu de temps évince les doutes et permet de sentir, de comprendre et d’apprécier ce pays.



Texte Julie Baudin (63)
 Photos David Ducoin (63)
http://www.tribuducoin.com/


 



 

_Visa : pas besoin de visa pour un séjour touristique de moins de 90 jours.

_Monnaie Guarani : 1 € = 6000 guaranis env.

_Hébergement : Compter 50 000 guaranis par personne pour une chambre d’hôtel standard. Il est possible de se loger dans des auberges pour 25 000 guaranis par nuit et par personne.

_Où se renseigner ?

Secretaria Nacional de Turismo (Office de tourisme) Palma 468 – Asunción Tél. : (+595 21) 494 110 / fax : (+595 21) 491 230

www.paraguay.gov.py

_Activités :

Le train à vapeur :

Départ d’Asunción deux dimanches par mois.

Les missions jésuites :

Les principales missions du Paraguay sont Trinidad et Jésus, dans le sud du pays. On y accède depuis Asunción ou Ciudad del Este en bus ou en voiture (4 heures de trajet env.) ou du nord de l’Argentine (on traverse la frontière au niveau d’Encarnacion et Posada.

Le musée jésuite de San Ignacio Guasu présente de magnifiques pièces de bois sculpté.

_Où écouter de la harpe paraguayenne ? À Asunción : Cristobal Pedersen et sa famille vous réserveront un accueil incomparable au Centre culturel Arpa Roga Dr Patricio Maciel 559 et Tte. Buzo tél. : (+595-21) 672 557, port : (0982) 501 406   www.arparoga.com .

Espagnol et anglais parlés. Cristobal peut venir vous chercher à votre hôtel puis vous y ramener après le spectacle.

_Où visiter une usine de yerba maté ?

À Bella Vista (15 km de Trinidad) : usine Selecta – Av Marcial Samaniego Km 4 ½ / tél. : (+595) 0767 – 247 / 339 – fax : (+595) 0767 557 / www.selecta.com .

Nous vous conseillons d’avoir votre propre véhicule, l’usine se trouvant à plusieurs kilomètres de Bella Vista.

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