TRAVERSEE INTEGRALE D’EST EN OUEST DE BORNEO (DE SAMARINDA A PONTIANAK)
1500 km. PARCOURUS A PIED ET EN PIROGUE
Maurice THINEY
TRAVERSEE DE BORNEO D’EST EN OUEST ? MAIS POURQUOI PAS ?1 |
La fièvre de l’aventure nous a repris. Nous a-t-elle vraiment quitté ? La traversée de WAMENA à la mer d’ARAFURA en IRAN-JAYA, terminée il y a trois semaines, aurait pu suffire. Au contraire, euphoriques suite à sa réussite, la soif de découvrir et encore découvrir nous tenaille. Nous avions le matériel sur place alors pourquoi s’en priver ? En route pour la découverte du territoire des DAYAKS et des PUNANS.
Trois jours après au village de LONG-BAGUN, nous rencontrons nos premiers DAYAKS. La modernité a déjà fait des ravages. S’il nous est permis de rencontrer des femmes tatouées autour des chevilles, des poignets et avec de longues oreilles percées, nous sommes obligés de constater qu’il ne leur reste plus que cela de leur civilisation première.
Une pirogue à moteur a été dénichée nous permettant ainsi de continuer notre périple. Il faudra la quitter souvent afin de l’alléger et de pouvoir franchir des rapides particulièrement turbulents. Cet endroit est dangereux, très dangereux. L’an dernier, plusieurs bateaux s’y sont retournés, 15 personnes s’y sont noyées. Il y a 2 ans, la bateau d’un couple d’anglais s’est cassé en deux, seule la femme en réchappa.
Le calme ne reviendra que quelques 50 kilomètres plus loin. Nous « serpentons » au cœur de la forêt profonde, haute, majestueuse, celle-ci semblant soudain nous protéger des rayons brûlants du soleil.
De nombreux oiseaux multicolores sillonnent le ciel. Des singes amusés nous observent du haut de leur perchoir.
Des orangs-outans se hissent avec une aisance particulière au faîte des arbres pour mieux nous observer. Insolite. Quelques jeunes sangliers ballottés par les flots tumultueux se dirigent vers la berge juste en face pour disparaître dans la forêt profonde.
Apres plusieurs jours de navigation incertaine, il faut mettre le pied à terre. Nous sommes à LONG-APARI et, diable ! Que se passe-t-il donc ici ? Il y règne une fébrilité toute particulière. Nous sommes dans une région où les hirondelles construisent leurs nids à flanc de falaises avoisinant les 500 mètres de haut.
Pour récolter ces nids, il faut d’abord escalader, pour ensuite s’introduire à l’intérieure des grottes et souvent redescendre une centaine de mètres plus bas. Un kilo de cette substance vaut environ 10 millions de roupies (10 000 F) sur les tables de HONG-KONG et de JAKARIA. Les autochtones sont payés cher, très cher pour effectuer cette cueillette particulière. Il est facile d’imaginer que nombreux sont ceux qui perdent la vie au cours de cet exercice périlleux. L’appât du gain est la cause de bien des malheurs. Cela engendre d’autres activités annexes et, bien souvent, vols, coups de feu, mort sont monnaie courante.
Un autre trafic, horrible, trouve en bout de chaîne la médecine chinoise. Quelques singes, très peu, possèdent un dépôt calcaire cristallisé au fond de l’estomac, ce petit caillou réduit en poudre aurait des pouvoirs de guérisons face à certaines maladies de l’homme. Ce sont des proies faciles pour la sarbacane silencieuse des DAYAKS…
Les orangs-outans ont aussi leurs prédateurs et sont chassés pour garnir certaines tables Japonaises. A JAKARTA, un restaurant vous propose même du tigre… Tous ces animaux sont censés être protégés mais ceci semble bien difficile à réaliser au fond de ces régions recouvertes de Jungle quasi-impénétrable. Ainsi va la vie dans cette partie du monde…
AU CŒUR DE BORNEO
Afin de poursuivre notre aventure, deux porteurs DAYAKS nous accompagnent. Ils ressemblent beaucoup plus à des pirates qu’à des porteurs. Ils sont armés de fusils et de pistolets de leur propre fabrication qui menacent d’exploser à chaque fois qu’ils font feu. Cependant, démonstration fut faîte en tuant quelques sangliers que les fusils et les cartouches « made in DAYAK » sont efficaces. La fabrication des cartouches est un art DAYAK difficilement imaginable. Jugeons nous-mêmes. La pointe sulfureuse d’allumettes patiemment détachée du bâtonnet sert de poudre, de vulgaires morceaux de fer découpés menus servent de chevrotines et des amorces de jouets d’enfants à la mise à feu. La fabrication des cartouches nécessite de passer de longues heures le soir avant de s’endormir. Nous n’avons pu que constater le résultat. C’est ahurissant !C’est ainsi que parfois au cours du repas du soir, assis devant un gros feu de bois, nous nous délectons en dégustant un cuissot croustillant de jeune sanglier. Ensuite, bien installés dans nos hamacs, il ne nous reste plus qu’à écouter la mélodie nocturne s’élevant de la Jungle avant de s’endormir. C’est une féerie de sons, une symphonie que seule la Jungle peut nous procurer.
Huit jours plus tard nous sommes dans la région de PUNANS. Notre guide nous explique qu’il est fort probable qu’il y en ait autour de nous. Peut-être nous observent-ils ? Mais ils resteront invisibles. Ils vivent d’une manière itinérante dans la Jungle profonde, là ou nous nous trouvons, fuyant à la moindre approche et refusant tout contact.
Ils ont un sens olfactif très développé et sont ainsi prévenus de notre présence et, à ma grande déception, nous ne les verrons pas. C’est aussi une satisfaction car cette attitude est protectrice et garante de survie. Cependant pour les préserver, il faudrait aussi préserver la forêt, mais ceci est une autre histoire…
La forêt ici est fantastique, majestueuse, immense, vierge, elle est de celles que l’on qualifie de primaires. Il faudrait 10 personnes se donnant la main pour encercler certaines essences atteignant près de 100 mètres de hauteur. Minuscules, nous cheminons sous des arbres gigantesques, fiers, protecteurs, laissant pendre de longs chapelets de mousses et de lichens que l’eau que l’eau des rivières vient lécher lorsque l’orage éclate. Il faut parfois traverser ces rivières à gué. Emporté à plusieurs reprises par le courant, je réussirai à m’agripper à quelques rochers salutaires.
Ici aussi l’humidité est omniprésente et c’est par dizaine que le soir nous retirons les sangsues nichées entre nos doigts de pieds, sur nos mollets, sur nos fesses, sous les aisselles. C’est avec un plaisir sadique que nous les écrasons entre deux pierres libérant ainsi un jet de sang rougissant l’environnement immédiat.
OU NOUS FAISONS NAUFRAGE
Quinze jours sont suffisants pour traverser la forêt et pour se retrouver à la source de la KAPUAS river. Après avoir déniché une pirogue et 2 piroguiers, nous entamons la descente vers PONTIANAK. C’est à l’aide de la pagaie qu’il faut se frayer un passage. La rivière naissante est cachée sous une voûte de feuillage et un entrelacé de branchages qu’il faut parfois dégager à la machette. Puis le passage entre les rochers devient de plus en plus laborieux, les cascades et les rapides se multiplient. La pirogue se cabre pour retomber lourdement dans un bouillonnement tumultueux. Cela devient un exercice périlleux, elle tangue, se penche au ras de l’eau, passe en force. Mais nous n’échappons pas au naufrage.La pirogue chavire et tout le monde se retrouve dans un rapide bouillonnant. Agrippés à des rochers nous finissons par regagner la berge. Tant bien que mal. Les sacs à dos ont disparus dans le lit de la rivière. Il faut aller les récupérer. C’est à plusieurs reprises qu’il faudra plonger pour y parvenir. Heureusement la préparation méticuleuse du matériel aura permis qu’aucun réel dégât ne soit constaté. Pellicules et appareils photos avaient été parfaitement emballés pour être ensuite enfermés dans un bidon de plastique étanche. Ils ne seront pas endommagés. Cette mésaventure se renouvellera plusieurs fois.
On ne descend pas la KAPUAS river impunément.
Puis le cours d’eau s’élargira, le calme reviendra, le bateau à moteur remplacera la pirogue et le cours de la vie redeviendra moins périlleux.
Le 28 Janvier PONTIANAK est en vue, une autre traversée, qui elle aussi n’a d’égale qu’elle-même, se termine. C’est déjà nostalgiques que nous reprenons contact avec « la dite » civilisation…