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Birmanie, l'éveil au tourisme.


La Birmanie (Myanmar) est un cas particulier mais intéressant car on ne peut pas à proprement parler de méfaits du tourisme dans ce pays.
Et pour cause, avec un accès en avion obligatoire, un visa de deux semaines maxi, un circuit restreint et extrêmement balisé, les touristes furent si peu nombreux jusqu'en 1994 que le pays a été relativement épargné.
Pourtant 1996, l'année du tourisme en Birmanie qui débute le 18 novembre nous dévoile une réalité a priori sordide.
En effet, le pouvoir en place prépare le terrain au tourisme international. Cela n'est pas compliqué, il suffit de regarder les autres pays touristiques pour comprendre ce que désire le tourisme de masse. Et le peuple birman subissant déjà une dictature redoutable doit maintenant subir une nouvelle forme d'autorité, de domination : offrir sa force de travail afin que l'état et les gros investisseurs engrangent les alléchantes recettes touristiques.
Les citations suivantes sont extraites des brochures :
- Birmanie : le guide alternatif (Association Transverses : 7 rue Heyrault, 92100 Boulogne)
- Peuples en marche numéro115 (10 rue Lanterne, 69001 Lyon)
- Info Birmanie (14 passage Dubail, 75010 Paris)

"Les investissements massifs consacrés aux infrastructures touristiques entraînent un manque à gagner incalculable pour les autres secteurs de l'économie. À commencer par la population birmane elle-même."
"Par exemple, à Rangoon, les nouveaux hôtels sont dotés d'eau courante chaude et froide et d'électricité 24 heures sur 24, alors que la population doit s'approvisionner dans des puits publics et que l'électricité reste un luxe. À cela, il faut ajouter que jusqu'à 60 % des revenus liés au tourisme quittent le pays pour financer l'importation de produits nécessaires aux besoins et habitudes de consommation des touristes. Et bien entendu, ce sont les grandes chaînes hôtelières et les grandes compagnies aériennes qui tirent les plus grands profits de l'industrie du tourisme, non le pays et encore moins la population".
"Autre conséquence, des atteintes aux sources de revenus des populations. Par exemple, dans l'État Shan, la junte s'apprête à construire un barrage sur le fleuve Biluchaung pour offrir aux touristes un paysage vert et alléchant, même en saison sèche. Dès lors, les minorités résidentes Intha et Pa-Oh craignent de voir leur récolte de riz se réduire comme peau de chagrin".
"Déjà en avril 1990, les 5 200 habitants de Pagan, l'un des plus grands centres d'intérêt de l'Asie du Sud-Est qui vivaient depuis des générations autour des pagodes et stupas historiques, furent obligés d'empaqueter leurs maigres biens et de déménager à une trentaine de kilomètres de la ville, dans une zone de terre aride dépourvue d'abris ou d'équipements élémentaires. Le SLORC* se borna à verser à chaque famille la somme de 250 Kyats (2,50 US $) en guise de dédommagement".
"C'est la même politique qui est appliquée à Rangoon ou dans des villages se trouvant à proximité de sites historiques, comme à Mandalay, Taungyi ou à Maymo. À ces déplacements de population s'ajoute une politique systématique d'assainissement de sites destinés au tourisme. La population est donc appelée à fournir du travail "volontaire" pour réparer les routes, en construire des nouvelles ou pour ravaler les façades des palais..."
"La population est d'ailleurs "invitée" à la mise en place d'infrastructures qui serviront de manière indirecte aux touristes. L'un des projets les plus tristement célèbres est celui de la construction d'une ligne de chemin de fer de 170 km de long reliant Ye à Tavoy, entreprise depuis octobre 1993. Ce projet facilitera l'accès des touristes à la pointe méridionale de la Birmanie, mais il fait aussi partie de la construction d'un gazoduc, sous la responsabilité de Total. Sur ce chantier, 120 000 personnes furent recrutées de force. Un article du Sunday Telegraph du 27 juillet 1994 estime qu'entre 200 et 300 personnes y sont mortes de maladies et d'épuisement".
"Aung Sang Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, faisait part à des journalistes thaïlandais de sa désapprobation face aux hôtels qu'elle voit se construire où qu'elle aille. Et d'ajouter qu'elle préférerait voir de nouvelles écoles, de nouveaux hôpitaux, de nouvelles crèches, de nouvelles bibliothèques. Selon elle, c'est au développement de l'Homme qu'il faut penser, et non pas uniquement à l'économie dans son sens restreint qui ne s'exprime qu'en termes d'investissements, d'hôtels et de nombre de touristes".
"En mai 1995, le National Coalition of the Union of Burma (NCGUB), le "gouvernement en exil" installé à Washington, a clairement exprimé sa position à l'égard de l'année du tourisme. Il estime que lorsque la démocratie sera à nouveau instaurée et que les gens seront libres, les forces démocratiques de Birmanie accueilleront les visiteurs étrangers à bras ouverts. Pour l'instant, il est trop tôt pour se précipiter en Birmanie".
Entre une junte militaire qui s'accroche au pouvoir toutes griffes dehors, une opposition valablement élue bafouée par les militaires et des lobbies industriels et commerciaux étrangers se servant de l'une ou de l'autre comme levier en vue de conquérir ce nouveau marché, le peuple birman est sévèrement tourmenté.
Cela dit, d'un point de vue strictement touristique, si les Birmans voulaient ouvrir leur pays au tourisme international, avec ou sans gants, avec une carotte ou un bâton, il fallait en arriver là, hélas !
Car ce sont nos exigences de touristes qui imposent cette réalité. La Birmanie sera victime de la mode occidentale qui nous pousse ouvertement ou implicitement à nous y précipiter.
D'une certaine manière nous, touristes, en sommes également victimes par notre disponibilité à la manipulation, notre manque de discernement, notre versatilité. Et maintenant on nous explique que nous tenons la clé de la réussite ou de la catastrophe ! Quelle responsabilité d'un seul coup !
Et bien prenons-là : évitons les phénomènes de masse, de mode, de précipitation hystérique, apprenons à comprendre les différences culturelles et à nous satisfaire des structures ordinaires du pays visité. L'échange humain en sera d'autant plus grand et les souvenirs aussi.
- D. W. -

* Le SLORC : organe dirigeant de la junte militaire au pouvoir, malgré la victoire de la ligue démocratique de Aung San Suu Kyi qui remporta 82 % des sièges lors des élections générales en 1990.





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