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mardi, 12 juillet 2016 15:10

« Les femmes girafes »: Les Karen-Padaung

Thaïlande : A la lisière de la frontière birmane vit un peuple connu dans le monde entier pour leurs coutumes ancestrales « les Padaung » et leurs célèbres femmes girafes. Je suis partie à leur rencontre et voici ce que j'ai appris.

Photographe, c'est ma 4e escapade en Thaïlande, cette fois ci je décide de longer la frontière birmane1 pour rentrer en contact avec la population réfugiée birmane. Voilà 3 semaines que je bourlingue et je me suis installée dans la petite ville de Mae Hong Sun pour explorer la région.

Aux alentours de Mae Hong Sun se trouve environ 4 ou 5 villages Karen, plus ou moins éloignés de la ville, pollués il est vrai par toute sorte de tour touristique en tout genre.

Ces villages Karen ou plus communément appelés villages de femme girafe ou long cou, méritent ils vraiment le détour ? Ou ne sont ils qu'un folklore touristique ?.

Je ne voulais pas être actrice d'une mascarade . Je veux savoir qui sont réellement les Karen .

Venus des minorités ethnique tibéto-birman les Karen sont la 2e minorité birmane après les Shan. Les Karen sont divisé en plusieurs catégories ethniques, elles même divisées en sous catégorie.

Celle qui nous intéresse aujourd'hui sont « les Padaung » ou plutôt les femmes Karen Padaung.

Les Padaung sont installés en Thaïlande, tout le long de la frontière birmane, depuis trois décennies, après avoir été chassés par la dictature en place. Les Padoung on été mieux accueillis que d'autres ethnies Birmanes et ont pu s’installer dans des villages , tandis que les autres populations réfugiées s'entassent dans des camps.

Les Padaung ont le statut de réfugié politique, ce qui leur laisse peu de possibilité de vivre convenablement dans cette économie thaï pourtant en pleine essor.

Les Karen-Padaung sont connus dans le monde pour les coutumes ancestrales de leurs femmes : elles portent des colliers d'anneaux en cuivre ou en laiton autour du cou, des poignets et des genoux. A l'age de 5 ans elles peuvent, si elles le souhaitent, commencer à porter leur premier anneau.

Beaucoup d'idées reçues circulent à leur sujet. J'avais entendu par exemple que le port de ces bijoux était une obligation, que chaque année un anneau supplémentaire devait être rajouté, qu'elles doivent les porter toute leur vie et que la communauté pouvait les punir en leur retirant, leur brisant ainsi le cou.

Toutes ces rumeurs donnent une image très négative de cette culture ancestrale. En effet les muscles du cou des femmes Karen Padaung sont certes affaiblis par le poids mais elles peuvent en toute liberté mettre et enlever leurs anneaux.

L'origine de cette coutume, n'est pas connu avec certitude. De nombreux ethnologues se sont penchés sur ce mystère. Il existe plusieurs hypothèses :

Pour les un les anneaux étaient un subterfuge destiné à enlaidir les femmes pour éviter qu'elles ne se fassent enlever par les hommes d'autres tribus, comme c’était la coutume pour les femmes au visage tatoué qui ont vécu dans les mêmes zones géographiques.

D'autres pensent que les femmes portent ces anneaux en défense contre les attaques de tigres, mais bien d'autres hypothèses existe encore.

Même si l'énigme de l'origine de ces coutumes reste entière elles se sont perpétrées de génération en génération et perdurent encore aujourd'hui. Pour les femmes girafes c'est un signe de coquetterie et un symbole de prestige.

Les femmes Karen Padaungs ont conscience que leurs coutumes traditionnelles sont connues dans le monde entier et celles que j'ai rencontré portaient leurs anneaux avec beaucoup de fierté. D'ailleurs ,une vielle femme, m'a montrée une carte postale datant des années 80 la représentant dans son village donnant le sein a son enfant. Et elle en était effectivement très fière.

Beaucoup disent qu’elles ne portent le vêtement traditionnel que dans leurs villages pour les touristes ,comme un vêtement de travail. C'est faux , j'ai vu des femmes girafes faire tranquillement leur marché à Mae Hong Sun à environ 40 km de leur village.

Le phénomène d’acculturation2 a déjà fait beaucoup de mal à cette culture même si elle tente de perdurer tant bien que mal. Certaine ONG denoncent ces villages qui font payer des droits d'entrée aux touristes et qui vendent leur artisanat. Elles qualifient ces villages de zoo humain,les accusant d' accélérer encore l'acculturation.

En me rendant sur place j'étais moi même très sceptique mais au contact des Padaung j 'ai réaliser que, malgré qu'ils fassent commerce de leur folklore, leur culture n'en reste pas moins authentique. Le droit d'entrée et les quelques ventes faites au touristes restent presque leur seul moyen de subsistance. On ne peut pas non plus parler d'invasion touristique car certains villages sont très difficiles d’accès comme par exemple l'un des villages que j'ai visité : Huay Pu Kengn situé à 35 km de Mae Hong Sun où l'on ne peut accéder qu'en bateau.

Bien que leurs villages soient sur la route des circuits touristiques ils sont surtout leurs lieux de vie.

Pour ma part même si on ne peut pas nier ce phénomène qui est une vérité, je pense qu' on ne peut pas priver les Karen Padaung de leur unique ressource. Si leurs village venaient à fermer , ils n’auraient guère d'autre choix que de rejoindre les camps de réfugiés. Là-bas leur situation serait encore plus précaire et malheureusement le phénomène d'acculturation serait toujours présent.

Les plus jeunes parlent anglais, (filles et garçons, car oui il y a des garçons !) ils ont pris plaisir à m'expliquer leurs coutumes, leur mode de vie , posant même volontiers devant mon objectif.

Cette expérience et ces échanges humains ont été très enrichissants, j'ai pris un plaisir fou à immortaliser ces instants avec mon appareil.

Le calme régnait, j'ai passé des moments agréables, d'autres émouvants, avec les villageois souriants et plein d'humour.

J'ai voyagé en septembre, en basse saison, et je n'ai croisé aucun autre touriste dans ces villages ; bien sûr je me suis rendue là-bas par mes propres moyens en évitant les tours touristiques.

Les Padaung ont besoin des touristes pour survivre mais le tourisme risque de tuer leur culture. Voilà tout le paradoxe de cette situation.

Les Karen-Padaung sont malheureusement touchés par le phénomène dramatique d'acculturation comme nombre d'autres ethnies minoritaires sur notre planète.

< Léa Bardet (31)
http://www.lea-bardet.com/

1 J’ai choisit d'utiliser le non historique du pays Birmanie, plutôt que Myanmar son nouveau nom imposer par les junte militer au pouvoir .

2 L'acculturation, est l'absorption d'une culture par une autres.


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