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mardi, 28 avril 2020 09:14

Road trip Népal durant le Covid-19

« Dans le voyage, ce n’est pas le but qui compte, c’est le chemin parcouru » se plaît à dire Nathalie Nowik, actuellement confinée au Népal. Elle ne pensait pas cependant que son voyage se finirait à Katmandou.

« Arrivés avec mon compagnon à Delhi le 20 février dernier, nous avons loué une Royal Enfield, une moto mythique en Inde.

Au programme, un road trip en commençant par traverser l’Uttarakhand en Inde pour rejoindre l’extrême ouest du Népal. De là, suivre la longue plaine népalaise du Teraï au pied de l’Himalaya, gravir quelques pistes de montagne et revenir par l’Uttar Pradesh à Delhi. Katmandou n’était absolument pas au programme ! » « Lors de notre départ de France, le coronavirus avait malheureusement commencé à faire des victimes en Chine mais nous n’imaginions pas son niveau de dangerosité et une propagation fulgurante à travers le monde. » 

L’actualité nous rattrape 

« Le 10 mars, nous sommes dans les massifs montagneux au centre du Népal. Dans les villages isolés, nous disposons de peu d’informations. La famille et les amis commencent à nous alerter sur la situation en France et en Europe.

Une amie en voyage au Cambodge m’écrit qu’elle n’a pas pu entrer au Vietnam. 

Effectivement, de plus en plus de pays ferment leurs frontières et interdisent aux Français d’entrer sur leur territoire. 

Nous décidons alors de rejoindre Nepalganj, ville située près d’un des principaux accès pour l’Inde. Trois jours de trajet sur des pistes sinueuses et caillouteuses seront nécessaires pour se rapprocher de la frontière. » 

NON. Vous devez retourner au Népal !

« Nous nous présentons à la frontière ‪le 13 à midi. Nous sommes optimistes. Après tout, nous étions déjà en Inde en février et notre visa est valable un an. 

Mais c’est un cordon sanitaire composé d’une douzaine de personnes portant masques et gants qui nous arrête avant même de pouvoir se présenter aux douaniers. Impossible de faire un mètre de plus. Ils nous tendent un masque et nous renvoient sans ménagement » explique-t-elle.

La décision est sans appel. La fermeture des frontières est entrée en vigueur pour les ressortissants français quelques heures auparavant et devrait se prolonger ‪jusqu’au 15 avril.

« A ce stade, nous ne maîtrisons plus la situation. Nous ne pouvons pas rendre la moto louée à Delhi. Je ne peux pas poursuivre mon séjour au Rajasthan où je devais rejoindre une ONG pour deux mois. De plus, nos visas népalais expirent demain et nous sommes à trois jours de route de Katmandou pour pouvoir obtenir une extension. Rien de tel pour tester notre capacité à lâcher prise ! » 

Séjour prolongé au Népal 

“ Le 16 mars, à l’Ambassade de France, l'atmosphère est sereine. Les propos sont optimistes. Le Népal n’est pas touché par l’épidémie. L’Inde, très peu. 

Nous devrions pouvoir rendre la moto à Delhi le 15 avril.

En attendant, avec nos extensions de visas en poche, nous partons à Pokhara. C’est une charmante ville beaucoup moins polluée que Katmandou, située au bord d’un lac tout près des Annapurnas. » 

La décision de confinement a été décrétée par le gouvernement Népalais le 23 mars au soir, sans préavis.

“Le 24 mars à 8 h, nous entendons les premières voitures de police sillonner les rues, sirènes hurlantes, faisant signe aux habitants de rentrer chez eux et de baisser les rideaux de fer de leurs boutiques. Tous les commerces reçoivent l’ordre de fermer, y compris les pharmacies et les magasins d’alimentation.

Les Népalais découvrent la nouvelle du confinement dans la rue et ne semblent pas réaliser ce qui arrive.Tout s’est passé très vite. La veille, nous avions eu connaissance de premières restrictions de déplacement sur les grands axes routiers mais cela ne présageait pas de mesures si rapides et radicales.” 

Nous sommes chanceux d’être au Népal. 

“La ville est soudainement déserte. 

Très vite, quelques commerces bravent l’interdiction d’ouvrir pour nous aider. 

Nous faisons nos emplettes dans l’obscurité derrière les rideaux de fer. De nombreux Népalais nous donnent leur numéro de téléphone au cas où nous aurions besoin de quelque chose. La bienveillance népalaise vis à vis des touristes ne faiblit pas. Nous bénéficions d’attentions particulières, y compris de la part de la police et de l’armée. Nous sommes chanceux d’être au Népal”.

Retour à Katmandou à moto. 

“ Nous avons trouvé un arrangement avec le loueur Indien de la moto et pouvons la laisser à Katmandou. 

À notre grande surprise, la police compréhensive nous délivre facilement un laisser-passer pour faire le trajet de Pokhara à Katmandou. ils nous demandent à plusieurs reprises si nous avons assez d’essence car il n’y aura pas moyen de se ravitailler en route.

En ce 29 mars, à quoi va ressembler notre trajet en période de confinement ? Le trafic habituellement est tellement dense sur cette route qu’il faut compter 8 à 10 heures pour couvrir les 200 kilomètres.

Effectivement, la route est presque déserte. Nous croisons juste une vingtaine de camions, quelques ambulances et quatre mini-bus escortés par une voiture diplomatique anglaise.

Dans chaque ville, les policiers et l’armée font de la prévention et surveillent les déplacements. Un “Help desk”, une tente avec quelques lits et de la nourriture à disposition a été installée dans chaque commune. Personne ne nie le fait que les structures sanitaires au Népal sont insuffisantes pour faire face à une pandémie, mais le gouvernement met des parades en place.

Nous avons également croisé de nombreux jeunes hommes marchant le long de la route, sans doute des journaliers qui tentent de rejoindre leur famille. On lit dans les journaux ici que pour ces salariés au salaire quotidien, pour les expatriés népalais actuellement bloqués à la frontière côté Inde, pour les familles vivant dans les quartiers défavorisés de Katmandou, la situation est difficile. Ils ont plus peur de la faim que du virus. Le nombre officiel de personnes contaminées est actuellement de cinq.

Attente d’un vol pour la France.

“ Nous ne pensions pas finir ce voyage à Katmandou. Depuis notre retour ici, nous vivons au jour le jour.

Nous sommes maintenant dans l’attente d’un vol pour entrer en France. L’ambassade nous informe d’un affrètement possible le 4 avril. L’aéroport est fermé aux Companies privées.

Nous restons en veille de l’évolution de la situation dans le monde, en espérant que la pandémie puisse être contenue rapidement.

Nathalie Nowick (37)

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