De gigantesques arbres chargés de lianes m'entourent. Il sont si hauts que je ne devine même pas leurs cimes. Le feuillage est si dense que l'on distingue le ciel que par quelques rares percées alors qu'une forte odeur d'humus s'exhale du sol jonché d'un épais tapis de feuilles craquantes. Il a plu ce matin sur la canopée et les larges feuilles gorgées d'eau laissent échapper de grosses gouttes de pluie
qui tombent bruyamment sur le sol après une chute d'une cinquantaine de mètres. De nombreux chants d'oiseaux invisibles, des croassements incessants, des cris de singes, des vrombissements d'insectes...la jungle grouille de vie.
Il est 14 heures, c'est l'heure de la sieste. Milly dort, pelotonnée dans les feuilles mortes, au milieu de fougères arborescentes. Milly est un ocelot femelle de neuf ans. Elle est arrivée au Parc Machia quand elle n'avait que trois semaines. Sa maman ayant été tué pour sa belles fourrure tachetée, Milly nécessitait des soins constants, elle était si petite. N'ayant pu profiter du lait maternel, elle souffrait de carence, de problèmes immunitaires et de calculs rénaux.
Milly s'est bien adapter à sa nouvelle vie dans le parc. La prise quotidienne de comprimés homéopathique prévient désormais ses calculs rénaux. Néanmoins, on ne peut pas la relâcher car sa maman n'a pas pu lui apprendre à chasser, et malgré son instinct chasseur, elle ne pourrait pas survivre seule dans la jungle. L'ONG essaye de lui donner une vie la plus digne et la plus libre possible.

Après 20 minutes de marche sportive dans une jungle chaotique, nous arrivons à sa cage. Elle est contente de nous voir et fait les cents pas !
On la fait sortir, on accroche à son collier une grande laisse et on nettoie sa cage. Puis, on part pour la journée la promener, mais c'est elle qui décide où aller. Elle a plusieurs sentiers, marqués par un ruban jaune. Chaque félin suit un parcours diffèrent de manière à ne pas se rencontrer, car ils ne s'entendent pas forcément. Aucune journée ne se ressemblent. Parfois, Milly a de l'énergie à revendre et l'on marche toute la journée. On a du mal à la suivre, surtout quand elle quitte les sentiers pour faire du « free-ride » dans la jungle ! On se prend les pieds dans les racines, les lianes ou les branches, on escalade d'immenses talus ou on patauge dans le lit d'un ruisseau, on
revient de ces journées invariablement recouvertes de boue et exténuées !

dégoulinant de salive ! D'autres fois encore, elle devient chasseuse et exécute cruellement des serpents ou de gros lézards avant de les manger tout crus en commençant par croquer la tête.
Comme tous les ocelots, elle a un caractère bipolaire : enjouée le matin, grognon l'après-midi. Elle est parfois tellement agacée que sur le chemin du retour, il faut faire attention à ne pas faire trop de bruit lorsqu'on marche; si l'on a le malheur de faire craquer des branches mortes sous nos pieds, elle se retourne vers nous en nous lançant un regard noir excédé et grogne... imprévisible Milly !
Arrivée à la cage vers 16H30, nous lui donnons à manger et nous séparons d'elle jusqu'au lendemain matin.
Sur le chemin du retour, il faut prudemment fermer les sacs à dos avec un cadenas car les singes capucins en liberté dans le parc sont des voleurs hors-pairs et parviennent agilement à ouvrir les fermetures éclairs ! Il arrive qu'ils vous grimpent sur le dos et y restent accrochés pendant tout le trajet de retour. Si par malheur ils vous volent quelque chose, surtout ne pas tenter de reprendre vos
affaires, ils vous mordraient car la chose volée devient leur propriété !
Malgré la dimension éprouvante de ce volontariat (un jour de repos par quinzaine), quel plaisir de voir Milly évoluer dans son milieu naturel toute la journée. Elle n'est malheureusement plus un animal sauvage autonome mais les volontaires qui se succèdent lui donnent tout de même une vie sauvage bien plus agréable que dans une cage !
Suivre leurs aventures !!!