Road trip en Azerbaïjan
Sur la route de la Mongolie, nous arrivons à la frontière avec l’Azerbaïdjan. Coté Géorgie, vérification rapide du véhicule, tampon et nous voilà en zone neutre. Quelques dizaines de mètres plus loin une porte barre la route. Au bout de 10 minutes un homme arrive me donne un petit bout de papier sur lequel il a inscrit quelques mots, ouvre la porte et me fait signe de passer. J’arrive à un nouveau contrôle. Je présente nos e-visas. Ce sont des feuilles que j’ai imprimées à la suite de ma demande sur internet. En tout le passage aura duré 45 minutes.
La route est toute neuve et excellente pendant quelques kilomètres, ensuite elle est en construction.
Il vaut mieux rentrer dans le pays réservoir vide car ici le gasoil est vraiment bon marché : 0,30 € le litre. C’est bon pour mon Land rover équipé d’une cellule camping-car qui consomme 12.5 l/100
On arrive à Sheki , visite de la forteresse à l’intérieur de laquelle se trouve le palais du Khan Hussein Aleyhan. Le palais est magnifique. Les photos de l’intérieur sont interdites. En face, il y a un terrain sur lequel un groupe de cavaliers font une partie de polo. Des musiciens jouent de leurs instruments pour les encourager. Nous discutons un moment avec des chauffeurs de poids lourds iraniens qui comme nous apprécient le spectacle.
Arrêt à l’église albanaise du village de Kish. On l’appelle albanaise car elle date de l’époque où la région s’appelait l’Albanie mais cela n’a rien à voir avec l’Albanie actuelle.
Les abords de la route sont très propres sans sacs plastiques comme on a pu en voir en Géorgie et en Arménie.
La route s’enfonce soudain dans une gorge puis surplombe le torrent à mi flanc de falaise pour rejoindre le village d’artisans de Lahic où nous passerons la nuit.
A Samaxi, nous visitons la mosquée. L’Azerbaïdjan est un pays laïc mais c’est son président qui en 2010 a décidé de faire de cette mosquée, la plus grande du Caucase.
Encore 20 kilomètres et le mausolée de Deri Baba du XVe s’érige devant nous. Il pleut et la température ne dépasse pas 10°C.
Le vent souffle très fort. C’est habituel à Bakou dont le nom est souvent interprété comme dérivant de l’expression « Bad Kube » qui signifie « vent violent ». Nous entrons dans Bakou. La circulation est fluide mais périlleuse car les voitures roulent vite et je n’ai pas compris leurs règles de priorité.
L’office du tourisme m’indique où s’enregistrer à l’immigration (c’est obligatoire si l’on reste en Azerbaïdjan plus d’une semaine). Je leur demande où se trouve le bureau d’achat des billets pour le ferry qui va à Altau au Kazakhstan. Je m’informe aussi sur les parkings pour stationner la nuit. C’est souvent un problème dans les grandes villes qui ont plus souvent des parkings souterrains et des stationnements interdits que des places pour camping-car.
Nous faisons l’après-midi le tour de la vielle ville. Trois heures de visite et nous nous arrêtons dans un ancien caravansérail transformé en restaurant. Nous y passerons la soirée et assisterons à une représentation de danses et musiques du pays.
Le funiculaire nous permet d’accéder à la vue sur la ville, au pied des tours en forme de flamme, et à l’allée des martyrs où sont enterrés les personnes tuées à Bakou en 1990 par les troupes soviétiques et lors de la guerre pour le haut Karabakh.
La visite du musée de l’histoire d’Azerbaïdjan situé dans une très belle demeure nous aidera a accroître notre connaissance du pays.
Avant de quitter Bakou, nous devons déposer nos demandes de visas pour la suite du voyage à l’ambassade de Russie. Puis nous prenons la direction du littoral nord jusqu’à Quba. L’autoroute longe la mer. Il y a par endroits des derricks qui nous rappellent que l’Azerbaïdjan est producteur de pétrole. Au début du XXe siècle, ce pays fournissait la moitié de la production mondiale.
Après Quba, il reste 53 km pour rejoindre un petit village d’altitude. Au départ la route traverse une forêt de moyenne montagne puis elle s’enfonce progressivement dans une gorge étroite. Il y a quelques passages difficiles. Il faut contourner les pierres tombées de la montagne et éviter certains bords en partie effondrés dans le précipice. Le vide et la vue sur le torrent en contre bas me donnent des frissons dans le dos. Je suis au volant, je ne peux pas fermer les yeux. Quand la pente dépasse les 15% et que les virages sont trop serrés pour être pris en une fois, je me demande ce que je suis venu faire là. Soudain la route est plus large, j’ai envie de faire demi-tour. Je m’arrête, reprends mon souffle et abandonne l’idée de ne pas aller jusqu’au bout. Encore quelques frissons et nous voilà arrivés au village à plus de 2000 mètres d’altitude.
A peine arrivés nous sommes happés par un villageois qui va nous montrer son musée, une pièce dans laquelle il a regroupé quelques objets du quotidien. Puis un autre homme nous indique la maison d’en face comme hôtel restaurant. Au premier abord cette activité ne saute pas aux yeux. Je lui dis OK pour dîner mais pas pour dormir car nous avons notre véhicule. L’homme m’invite à me garer devant son épicerie pour la nuit. Sur la face arrière de cette maison nous dînerons dans une petite pièce avec vue sur la montagne.
Dans notre guide il est indiqué un temple du feu dans ce village. Renseignement pris, il faut une autorisation spéciale pour y aller car nous sommes tout près de la frontière du Daghestan et l’endroit est occupé par l’armée. Nous n’y irons pas.
Sur la route en direction des ruines du château de Chirag, Annie me demande ce que c’est que tous ces poteaux que l’on voit au loin. Des centaines de derricks les uns à côtés des autres. Nous traversons un champ pétrolier.
Retour sur Bakou pour rejoindre le littoral sud. Nous longeons le bord de mer. Ce n’est qu’une zone industrielle et pétrolière qui n’incite pas à la baignade.
Arrivé à Gobustan un panneau indique les sites de pétroglyphes. Je vais jusqu’au parking devant un bâtiment moderne. Je suis invité à entrer par le responsable du site qui parle très bien anglais. Je lui demande l’autorisation de dormir là pour la nuit. Pas de problème vous êtes les bienvenues me dit-il. Nous visitons le musée qui raconte l’histoire des peintures et gravures d’ici et du reste du monde. Il y a même une photo de Lascaux.
En sortant du musée le responsable nous invite à se joindre à eux pour dîner. Je ne sais quoi apporter de mon côté. Quand je vois qu’il a une bouteille de vin, je comprends que l’alcool est bienvenu et je propose le whisky. Nous avions fait nos provisions avant de partir.
Ils sont cinq, trois filles de 25 ans, lui et un autre homme très discret sans doute dû à sa méconnaissance de l’anglais. Ils sont très heureux de nous recevoir et ont une multitude de questions à nous poser sur là où nous habitons, notre famille, notre voyage et notre véhicule. Parmi les trois filles l’une apprécie particulièrement notre whisky. Bien qu’à 95% musulmane la population ne semble pas pratiquer un islam très rigoureux. Les filles de ce soir ont les cheveux longs bien visibles. Elles sont habillées à l’européenne et ne cherchent pas à cacher leur forme. Je n’ai pas encore entendu le muezin une seule fois.
A 20 h notre hôte nous donne congé, ferme le musée et nous indique les toilettes extérieures, où trouver de l’eau et où se raccorder à l’électricité. C’est incroyable d’être aussi bien reçu.
Le lendemain matin nous prenons un taxi pour aller voir les volcans de boue. Nous voilà parti à fond sur une piste déformée dans une berline Lada, pas le 4X4, non, la Lada qui ressemble aux Fiats d’il y a 40 ans. Le pare-brise est pété, le compteur ne marche plus mais la voiture avale les creux et les bosses plutôt bien. Arrivé, je cherche la poignée pour ouvrir la porte mais il y a longtemps qu’elle n’existe plus. Le chauffeur m’ouvre et je me dirige vers l’un des nombreux cônes qui constituent le paysage. Au sommet de chaque cône il y a une cuvette de boue qui fait des bulles et déborde par à-coup. C’est surprenant.
De retour sur le site des pétroglyphes le responsable nous guide. Le nombre de gravures est impressionnant. Certaines sont très anciennes d’autres comme celle de chameaux datent de l’époque de la route de la Soie quand les caravanes étaient constituées de cet animal.
La réserve de Shirvan. est en zone protégée. On peut y voir beaucoup d’oiseaux mais aussi des antilopes. Je demande l’autorisation d’y dormir qui m’est accordée sous réserve de s’installer à côté du poste de garde.
Il pleut toute la nuit. Le matin, la terre colle à nos chaussures tandis que nous nous dirigeons vers l’observatoire au bord du lac des flamants. Nous verrons beaucoup d’oiseaux, des tortues qui pointent leur nez au-dessus de l’eau mais aucun flamant.
Nous arrivons à Lerik à la tombée de la nuit. Les 70 derniers kilomètres se faisant à petite vitesse compte tenu des virages et de l’état de la route assez défoncée par endroit. En plus on finit dans le brouillard.
Je me gare, descend de la voiture. Un policier s’approche de moi. Serais-je en stationnement interdit ? Pas du tout, il est venu me dire bonjour et me serrer la main. Je lui demande où il y a un restaurant. Au prix des restaurants on s’est habitué à ne plus faire la cuisine. Il ne comprend pas ce que je lui dis. Je répète « restaurant » plusieurs fois mais rien n’y fait. Un passant curieux s’approche de nous, me comprend et dit au policier « restaurant ». Celui-ci comprend instantanément. J’avais pourtant l’impression d’avoir dit rigoureusement la même chose mais sans doute mon accent n’était pas le bon. Il m’indique un escalier en face d’où je suis garé et un bâtiment sans aucune enseigne avec de la lumière aux fenêtres. Je ne comprends pas un mot du serveur. Je dis OK à ce qu’il me propose. La surprise n’est pas très grande quand nous voyons arriver les plats : c’est toujours la même chose : salade tomate concombre fromage puis grillade de mouton ou poulet. Pour la boisson pas de problème je sais dire bière en Russe, c’est piva.
De retour aux environs de Bakou, nous visitons le temple du feu, ancien temple zoroastre. Il n’est plus en activité mais transformé en musée. Nous parcourons ensuite la péninsule d’Absheron située plus à l’est, pour voir le mausolée de Mirmöhsm à Shuvalan, la tour de Mardakyan que le gardien ouvre exprès pour nous, la mosquée d’Amirgan et enfin le site de YanarDag où la terre brûle. En fait, ce n’est pas la terre qui brûle mais du gaz méthane qui s’échappe de la terre. Le pétrole et le gaz sont ici si proches de la couche terrestre que le gaz sort naturellement. Enflammé il y a plus de 50 ans, il n’a jamais cessé de brûler.
Pour notre dernier jour à Bakou, nous visiterons le musée des livres miniatures. Ici le livre le plus grand fait moins de 10 cm de haut et le plus petit moins d’un centimètre.
Ensuite, nous allons à l’ambassade de Russie pour récupérer nos visas. Là, surprise notre véhicule n’est plus là où nous l’avions laissé. Il me semblait bien être en stationnement interdit mais il y avait tellement d’autres voitures garées devant et derrière. Un policier est là. Je lui fais signe avec les mains car comme d’habitude il ne parle pas anglais, que mon véhicule était là et qu’il n’y est plus. Avec ses mains il dessine un grand carré. C’est bien mon 4X4 qu’il représente. Je fais oui de la tête et il me fait signe de le suivre. Un pâté de maisons plus loin je vois mon Defender garé au bord du trottoir. Je me demande comment ils l’ont déplacé. Le policier me fait signe d’attendre. Il appelle des collègues qui ne tardent pas à arriver. Je m’attends à une amende mais ils se contenteront de me demander de vérifier qu’ils n’ont pas abîmer notre Land. Apparemment tout est OK. Les policiers s’en vont après m’avoir serré la main. Nous pouvons partir direction le port d’Alat pour la suite de notre voyage.
> Jacques Foucault (85)