You have no items in your shopping cart.

Carnet de route

Sur le plateau du Pamir

Découvrir de nouveaux territoires, retrouver l'ivresse des hautes altitudes, vivre encore l'exaltante existence nomade...

Matin de grand calme sur le plateau du Pamir tadjik. Une petite brise qui nous pousse gentiment, une chaussée bien lisse, un ciel immense qui se teinte d'un bleu de plus en plus profond d'est en ouest, un soleil qui peine à quitter l'horizon, droit dans notre course...

Messagers de mots tendres

Pamir3La Pamir Highway, aujourd'hui affectueuse amie, déroule sous nos roues un ruban de fête. Derrière nous, au-delà de nos ombres démesurées, s'estompe la bourgade d'Alichur, escouade de quelques dizaines de maisons basses et blanches groupées autour de la mosquée à 3 900 mètres d'altitude. Dans la sacoche de Pomme, dont c'est aujourd'hui l'anniversaire, les affectueux cadeaux de la famille de Tagaïbek chez qui nous avons passé quelques nuits : deux dauphins de porcelaine, une tablette de chocolat et un sachet d'amandes d'abricots offert par Aïcha dont c'est la friandise favorite.

Dans la mienne, deux précieux papiers : une lettre à remettre à Dinara, la fille aînée mariée, établie à Bash Gombez, et un plan pour rejoindre sa yourte dressée près d'un point d'eau à l'écart de la route, à une bonne quarantaine de kilomètres d'Alichur.

Un troupeau traverse la route devant nous, chèvres et moutons mêlés dans la perpétuelle errance, en quête de rares brindilles à se mettre sous la dent. Parallèle à la route, une ligne électrique aligne sans fantaisie ses tristes poteaux de bois. Tout au sud, des sommets enneigés dominent les flancs du large plateau d'altitude, modestes ondulations dépassant les 5 000 mètres. Rompant la magnifique monotonie des gris et des ocres, la plaine verdit par places lorsqu'un peu d'eau s'y répand, favorisant l'éclosion de rares yourtes.

Le rocher de Chatyr-Tash, énorme pavé planté au beau milieu du paysage, peut-être transporté là par un colossal glacier antédiluvien se rapproche. Nous quittons la M41 et son sympathique asphalte pour obliquer sur une piste caillouteuse et cahoteuse dans laquelle les pneus s'enfoncent parfois. Le jaïloo apparaît enfin juste après un pont. Nous nous enquérons de la yourte de Dinara. Messagers de quelques mots tendres et de nouvelles fraîches, nous sommes accueillis chaleureusement par la jeune femme.

La vie animée du jaïloo

Vélos garés sous une bâche, sacoches rangées à l'intérieur, le chaï de bienvenue nous permet de faire mieux connaissance avec Dinara, sa belle-mère Aizada, sa fillette
Sumaya et son mari Atobek. Une cheminée surmonte le toit de feutre de la yourte ceint d'une frise multicolore de motifs traditionnels.

Pamir1La porte, orientée à l'est, est doublée d'une lourde toile à armature de bois roulée dans la journée. À quelques mètres, un poêle de tôle sert de cuisine d'extérieur. Malgré l'ouverture au centre du toit, le tunduk, une douce pénombre règne à l'intérieur. Un poêle central, quelques coffres, des tapis, un rideau brodé qui dissimule des ustensiles de cuisine, constituent le sobre ameublement. Pour l'heure, Dinara cuisine à l'extérieur : au menu du midi et du soir le shorpo, soupe de légumes égayée de précieux morceaux de viande de yak.

Avant la sieste, la grand-mère berce énergiquement Sumaya ligotée dans une nacelle qui se balance au bout de deux cordes attachées aux montants du "plafond". La fillette placée dans son berceau dont le fond comporte un trou "hygiénique" est bercée par sa grand-mère, allongée à côté d'elle sur un kurpacha, sorte de matelas léger en tissu multicolore. Il semble hors de question de laisser pleurer la petite...

Un commerçant gare sa camionnette au milieu des yourtes : la marchandise vient de Khorog, la petite capitale du Pamir tadjik, à une journée de route. Nous achetons un cageot d'abricots pour nos hôtes. La fin d'après-midi est consacrée à la traite de la dizaine de yaks de la famille, activité exclusivement féminine dévolue à Dinara et à sa belle-mère. Pendant ce temps, Atobek joue avec sa fille en bon père attentionné, après avoir tout de même ramassé à la pelle les bouses déposées autour de la yourte, afin de les faire sécher. Plus tard, le lait de yak est mis à cailler, pressé, salé, façonné en petites boules et placé au soleil sur des claies : ainsi naissent les kuruts, petits fromages vendus ou consommés l'hiver, produit idéal pour nous, voyageurs à vélo, facile à transporter et à conserver, et pourvoyeur d'utiles protéines.

Pamir2Le repas du soir est pris à l'extérieur et la vaisselle exécutée dans le mince filet d'eau qui coule à proximité. Nous nous installons pour la nuit, partageant l'espace avec Sumaya, langée à l'ancienne bras collés au corps et la grandmère qui veille à côté du berceau.
Atobek et Dinara ont en charge d'allumer le poêle central à l'aide de tersken, un petit buisson gris qui pousse sur le plateau, puis de l'alimenter en kezak, le fumier séché ; ça pique les yeux et la gorge mais ça réchauffe l'air vif qui s'abat sur le campement situé à près de 4 000 mètres.
Notre sortie nocturne est réfrigérante et nous retrouvons la douceur de nos duvets avec soulagement !
Lever à 6 heures au grand jour. Le soleil apparaît peu après et anime le jaïloo.

Les corps se déplient, les yeux s'écarquillent, les yaks reprennent le chemin des pentes, autonomes jusqu'au soir. Dinara prépare un solide petit déjeuner : yaourt au lait de yak, pain maison, beurre recuit et chaï. Avant d'enfourcher nos bicyclettes chargées de nos meubles nomades, nous lui laissons une petite somme, équivalant au loyer d'une pension en ville.

Chacun reprend ainsi sa vie, errante ou sédentaire. La route nous appelle qui garnit nos vies de jours inoubliables et colorés, de rencontres inattendues et chaleureuses. Mais pour qui ces dernières heures sont-elles les plus marquantes et les souvenirs les plus indélébiles ? Pour Dinara, un peu bousculée par l'apparition inattendue de ces deux occidentaux à bicyclette, ou pour nous qui avons partagé l'espace de quelques heures la vie d'une famille de seminomades kirghyzes sur le Pamir tadjik ?

Texte et photos Annie et Alain Charrière
http://pommequiroule.homeip.net/
Lu 2689 fois

Derniers adhérents en ligne

cherveau   digrain   fseitz   adhabm   jpdevey   opaugam   vpoyade   bebauthamy   venedellec   mabertheney   chlouis   mamichelot   mchemmings   jeanvanlerberghe   chsentuc  
Copyright © 2024 Aventure du Bout du Monde - Tous droits réservés
Joomla! est un Logiciel Libre diffusé sous licence GNU General Public