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Carnet de route

Pourquoi pas Venise

Atmosphère d'un séjour sous le signe de l'acqua alta.

Venise1Pourquoi pas Venise ?" "Mort à Venise" "Son nom de Venise de Calcutta désert". De Thomas Mann à Visconti, de Marguerite Duras à Téchiné, Venise est un rêve, un rêve patrimoine mondial de l'humanité, où se côtoient tous ceux qui désirent matérialiser ce rêve en ressortant parfois déçus, parfois émerveillés mais jamais insensibles.

J'aborde Venise pour la quatrième fois. À nouveau je m'immerge dans ce monde lagunaire. Je ferme les yeux et reconnais les lieux. Ce sont des sons étouffés, comme noyés, des bruits de pas qui résonnent sur le silence des pavés, des sonorités aquatiques, celles des embarcations avec parfois l'élancement d'un moteur ponctuant le clapotis de l'eau.
Là dessus, les échos chantant de la langue que je me refuse à comprendre, seulement entendre.

Une musicalité unique qui me dit cette ville davantage que les impressions visuelles. De la même façon, je peux écouter Mort à Venise de Visconti et d'emblée reconnaître la ville aux sonorités du film. Fermer les yeux puis les rouvrir.

S'élancer alors à la découverte de sa Venise intérieure, par delà les images touristiques, voir la ville... Pendant une semaine, je parcourrai les multiples îles, franchissant les ponts, arpentant les ruelles, sautant d'un vaporetto à l'autre, me laissant absorber par l'infini de la lagune, bercer par le mouvement des eaux omniprésentes, envahissantes.

Univers aquatique qui vous enveloppe du centre historique aux îles éloignées. Là, je goûterai cette atmosphère dite lagunaire des peintres de l'école de Burano. Au musée Ca'pesaro je trouverai formulée picturalement cette ambiance si particulière des îles visitées. Un merveilleux allerretour entre un ressenti et une oeuvre qui la sublime, telle celle du peintre Carrer Attilio Battaglia.

C'est ainsi que j'ai appréhendé Venise. D'abord éprouver la ville sans trop essayer de la comprendre, puis aller vers les oeuvres qui l'expriment enfin tenter de la percevoir dans sa complexité. Mais pour connaîre Venise, ne faudrait-il pas une vie ?
À l'occasion de mes séjours vénitiens, je pense avoir saisi la nature du syndrome de Stendhal.

Cette beauté sans limite de l'architecture, des palais, des musées, des églises, des peintures suscite un excès d'émotion esthétique qui vous étourdit, une ivresse qui vous submerge puisque l'idéal prend corps et se voit là offert.
Autrefois, perte des repères d'un monde puritain face à une Renaissance flamboyante, choc des cultures. Aujourd'hui, il n'est plus question que d'enchantement à découvrir un univers entièrement sculpté autour de l'art : courbe d'un pont, raffinement pictural d'une maison, composition d'une place, dessin d'une ruelle.

Venise2Partout cette lumière des canaux, de la lagune, des ciels mouillés où l'ensemble vient se refléter et se décliner au travers du filtre aquatique.
Novembre 2011 : une semaine passée à contempler, avec ce sentiment de ne pas pouvoir appréhender l'ensemble inépuisable donc y revenir encore et toujours, si possible à différentes saisons. Indissociable de son environnement naturel, Venise, en effet change totalement de visage selon le cadre saisonnier.

Venise au fil des saisons Sous la neige en février au moment du Carnaval : souvenir d'ombres silencieuses glissant dans l'obscurité sur un fond blanc lumineux et des crissements de la soie sur la neige gelée. Le surgissement d'un costume masqué à la Casanova, au détour d'une ruelle, avait quelque chose de surréel et même d'effrayant. Décor fantastique et décalé, les costumes du XVIIIe siècle se mouvant comme une évidence devant le palais des Doges et la basilique San Marco.

On se serait cru dans un des tableaux de Canaletto, Belloto ou Guardi vus et revus au musée du Rezonnico. Ces fêtes délirantes et précieuses précipitaient, depuis le Grand Canal, les flots de visiteurs accostant dans leurs somptueux habits d'opéra. Lors de ce carnaval, où le masque de la neige recouvrait la ville, je me rappelle de ce sentiment d'incrédulité et déjà d'ivresse à ne plus savoir à quelle époque Venise vivait.

Ne retrouvait-elle pas là son image éternelle, son essence même. Cette ambiance se diffusait chez les Vénitiens comme chez les touristes, imprégnant toute la ville, effaçant les frontières sociales mais aussi les limites de l'espace et du temps. Venise accablée par la chaleur de l'été, langoureuse et absente. Les ruelles du Ghetto ou du Cannaregio désertées à l'heure de la sieste permettant enfin de goûter au silence, loin de l'afflux touristique de la place San Marco.

Quel bonheur alors de se perdre dans le labyrinthe des ruelles, des canaux et des ponts avec chaque fois un angle de vue différent et ce contact à la pierre fraîche travaillée par la puissance de l'art séculaire. S'asseoir ensuite à la table d'un café au centre d'une petite place cachée, intime, comme au premier rang d'un théâtre en plein air, pour observer les façades sculptées ou les ponts ouvragés. Un décor de pure contemplation à deux pas des carrefours envahis par les meutes touristiques mais ici miraculeusement préservés.

À Venise, il suffisait alors de s'éloigner un peu du centre pour se retrouver seul et enfin goûter la ville. Aller faire son marché au Rialto et se sentir Vénitien était encore possible, même si les maisons commençaient à être rachetées par les riches étrangers. Pendant dix jours j'avais pu m'imaginer être d'ici et apprivoiser ce monde fantasmatique.
J'avais fini par l'intégrer à ma réalité.

Venise hiberne, rendue aux éléments De retour en novembre 2011, je souhaitais retrouver les traces du passé mais aussi mesurer l'évolution de la ville. La magie du lieu opérant toujours, je me suis retrouvée happée par ce désir de voir et revoir ce que j'aurais dû pourtant bien connaître. Un lieu change de visage non seulement selon les saisons mais aussi selon le regard qu'on pose sur lui. Je ne suis pas loin de croire que l'appréhension d'un lieu est pure subjectivité mais heureusement souvent partagée.

Lors de ce dernier séjour j'ai eu le privilège de connaître Venise noyée sous les eaux de l'acqua alta. Les reflets se démultipliaient, les sols devenaient miroirs, l'eau de la lagune envahissait les cieux pluvieux, brumeux, nuageux et la terre ferme à son tour devenait liquide. Dans le Cannaregio, la station de vapporetto Guglie était fermée et le canal s'était répandu sur la fondamenta où l'on ne pouvait plus circuler qu'en bottes de caoutchouc.

Quand les eaux montent à l'heure de la marée, les vapporetti ne passent plus sous les ponts.

Venise3Des Vénitiens circulaient alors debout sur des bateaux à rame comme autrefois. Une atmosphère particulière régnait alors dans les quartiers populaires : mélange de fatalisme, de résignation et même d'indifférence. La ville paraissait hiberner, rendue aux éléments qu'elle avait cru un jour maîtriser. Aujourd'hui tout le monde sait qu'il n'en est rien.

Venise s'enfonce irrémédiablement et les acqua alta sont de plus en plus fréquentes. De gigantesques travaux destinés à faire barrage à la montée périodique des eaux sont en cours mais beaucoup de Vénitiens restent sceptiques quant à leur efficacité. Ce jour-là, j'ai pu gagner à pied le centre qu'habituellement j'évite. Voir la place San Marco sous l'eau... une tout autre ambiance, quelque chose de théâtral à l'image du cadre. D'un niveau inférieur, la place mythique est toujours plus envahie par l'eau que le reste de la ville. Très peu de touristes.

Y règne une sorte de bruissement, une effervescence sourde car les bruits sont étouffés par cette masse aquatique qui se répand et colmate tous les interstices entre l'air, la terre et l'eau.

Le ciel est envahi d'une brume opaque depuis plusieurs jours donnant aux monuments des allures fantômatiques. La pluie diluvienne semble vouloir submerger la ville et les gens.

La police a installé des passages étroits surélevés pour permettre aux touristes de circuler.
On veut voir, voir quoi ? Cette beauté éternelle en péril, la fragilité humaine face aux éléments, une sanction écologique ou un artifice supplémentaire pour démultiplier les charmes de cette vieille coquette qui se farde un peu à la manière d'Aschenbach pour séduire le jeune Tadzio, façon de lutter contre les ravages du temps. Mort à Venise plane toujours sur la ville, la symphonie de Malher aussi et aujourd'hui plus que jamais quand la lagune envahit l'espace terrestre et que l'air se surcharge d'humidité.

On peut alors photographier les multiples reflets sur les pavés miroirs comme si Venise était plus que jamais ce lieu où les limites entre le réel et l'imaginaire deviennent floues, où la représentation peut se dédoubler à l'infini dans ce jeu perpétuel des apparences.

J'ai vraiment eu l'impression que la ville sous acqua alta était à l'apogée de son charme. La pluie sied à cette ville. Il ne faut pas avoir peur de la découvrir en toutes saisons et dans des états d'esprit différents. Je crois avoir compris qu'on peut rencontrer sa Venise personnelle qui chaque fois se renouvelle et donne envie de revenir là où semblent se situer les sources mêmes de la beauté.

Texte et photos Marie Claude Boisvert (75)




→ Y aller :

Vol AR Paris Venise par Easy Jet (entre 120 et 150 €).
Train : Compagnie Thello :https://www.thello.com/,
http://www.trenitalia.com/ 80 à 100 € environ en couchette

→ Transport sur place :

Pass ACTV : 12 h (16 €), 24 h (18 €), 36 h (23 €), 48 h (28 €), 7 j. (50 €).
Réduction si achat en ligne sur le site veniceconnected.com au minimum
7 jours avant l'arrivée. Retrait à l'aéroport Marco Polo, à la gare Santa Lucia ou place San Marco.
Cette carte magnétique que l'on bip avant de monter dans le vaporetto permet d'accéder également aux îles éloignées (Murano, Burano, Torcello, Sant'Erasmo, Le Lido...) et d'effectuer l'AR de l'aéroport.

Hébergement :

Possibilité de dormir en auberge de jeunesse ou institution religieuse (à partir de 22 €/personne en dortoir, 50 € en chambre double). Consulter les adresses sur le Guide du Routard spécial Venise. J'ai constaté, lors de mon dernier séjour, qu'il existait entre la gare Santa Lucia et le quartier encore populaire du Ca nnaregio des petits hôtels charmants au coût moindre en semaine et hors saison comme l'hôtel Rossi. Les prix sont à négocier. Éviter les week-ends chargés et les périodes de vacances scolaires.
Chambres et appartements à partir de 65 € : veneziacentopercento.it ou sur abritel.fr

→ Nourriture :

Comme partout en Europe, si l'on veut éviter les prix excessifs des restaurants, on peut survivre avec les délicieux cicchetti des bacari (bars à vin), ou faire ses courses et manger sur le pouce.
Pour la nourriture intellectuelle, possibilité d'achat de pass comme le museum pass (18 € plein tarif) valable 6 mois et permettant d'accéder à tous les musées exceptés l'Accademia, le Palazzo Grassi et la collection Peggy Guggenheim.

Contempler la ville-musée est gratuit et de mon point de vue le plus passionnant.
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