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lundi, 31 octobre 2022 16:49

Ma route est un sentier

Rassasié sous la yourte en Kirghizie Rassasié sous la yourte en Kirghizie

Le sentier est à la fois libre, vulnérable, onirique et créatif !

< L'illusion de la liberté

Je parle d'illusion préventivement. Je sais bien que les philosophes et les clercs se moqueront de cette « liberté de pacotille ».

Pourtant, si la route offre sa liberté, c'est que la route implique un abandon, vous y oublierez votre montre, votre boussole et votre identité. Il faut dire que la route n'est pas une route, elle est tout au plus un sentier, elle est solitaire, elle n'est pas répertoriée sur les cartes. Sur ce sentier suivi sans montre personne ne vous attend, sans boussole le ciel seul vous dirige, sans identité vous êtes un inconnu.

Quand personne ne vous connaît, vous n'êtes chargé d'aucun passé, n'êtes impliqué dans aucun avenir, vous n'avez qu'un présent. Simplement, vous voilà.

A la question « D'où viens-tu ? », vous ne savez s'il faut situer votre tente la nuit dernière, ou votre maison en Occident. Vous paraissez indécis, décidément, vous êtes un extraterrestre.

Ainsi, vous vous incarnez à l'improviste, fugitivement. Ce vent n'est-il pas celui d'une liberté ?

Aïe, avouons-le, il y a toujours un fil au cerf-volant : vous avez un accent ! Vous n'oubliez pas que vous êtes français. Vous êtes interpellé, vous êtes surpris d'être parfois Jules Verne, et parfois Zinedine Zidane. Vous devenez schizophrène, vous devez sauter d'une identité à l'autre avec beaucoup d'à-propos. Mais souvent vous êtes pris de court : tout d'un coup plane « La Légende des siècles », vous êtes Victor Hugo !

Ultime avatar : vous changerez de nationalité, vous serez belge, vous serez même japonais ! Pourquoi ? Parce qu'à force d'être extatique, vous êtes souvent désincarné.

< La vulnérabilité est une force

Vous avez choisi de regarder le soleil se lever, partir vers l'Orient, vers les sources de votre civilisation, là où les regards noirs se cachent sous le khôl et les sourcils dessinés.
On y parle en poésie, on y compte en algèbre.

Vous partez seul le plus souvent, confiant en votre toile de tente, en vos mollets fusiformes, il faut vivre d'illusions. Vous n'irez pas par le plus court chemin, vous ferez des détours imprévus, mais un jour peut-être serez-vous à bon port. Vous connaissez les mots essentiels de la survie insouciante, et cela suffit à vos épanchements et à votre appétit. Avoir faim n'est pas un souci.

Vous choisirez la province la plus reculée, sur la frontière la plus contestée, vous serez lustré aux eaux de lacs abandonnés, à celles de monastères intemporels, vous jetterai enfin un œil au-delà du fleuve Araxe ! Au-delà du fleuve et des errances, vous devinerez ces caravansérails, où, il y a longtemps, vous balbutiiez vos "salâm" sous leurs regards noirs.

Parfois, vous partez là où les us et coutumes ancestraux ont des rigueurs et des intransigeances. Pour des crimes et pour des peccadilles, on y manie lame et arme à feu pour laver l'honneur. Vous apprenez que l'honneur est une notion plutôt subjective, et par là-même assez vague, variable de longitude en longitude. Vous vous adaptez... ou non.

Votre devise clame que votre insouciance n'est pas une inconscience.

Être seul sur des chemins lointains vous révèle à vous-même votre vulnérabilité : être sur le qui-vive à chaque instant exacerbe les sens et multiplie les sensations. Le jour, vous ouvrez un œil dont l'acuité vaut celle du léopard des neiges (qui est un autre lynx), la nuit le moindre froufrou est une sirène.

Oui, la vulnérabilité est une force indomptable !

< Les rêves vous éveillent

Il y a des départs qui sont des impulsions, certains sont des aspirations et d’autres des chutes libres, ou plutôt des apesanteurs. Le mystique, qui ne dort pas en vous, appelle cela une prédestination.

C’est comme un rêve où chaque pas imprévu guide le suivant sans préméditation.

Dans cet espace de heurts et de tourmentes, seuls les oiseaux volent en ligne droite, parfois.

Quand on vous interroge sur cette attraction pour « voir quelque fois ce que l’homme a cru voir », vous remontez aux « Contes et légendes » de votre enfance, c’est dire.

Pourtant, si le départ est forcément concret, réfléchi et réservé, l’arrivée fait la part belle à l’abstraction. Le chemin, qui vous attend, est-il une chimère, loin de l’Europe et de ses parapets ? Votre insouciance prétend que les rêves n’aiment pas les parapets.

Vous avez compris que mirages et réalité importent peu, vous vous réjouissez simplement qu'ils aimantent vos rêves en sourdine.

Ainsi, votre libre arbitre vous guide vers des espaces qui s’apparentent à nulle part, où les frontières se sont déplacées, où les noms des lieux ne se prononcent pas comme vous les écrivez, où les fleuves ont des cours interminables, des débits monstrueux et des identités multiples selon leurs tronçons et selon les civilisations.

Les rêves vous disent que sous toutes les latitudes, les fleuves les plus impétueux portent des ponts.

< La route est notre muse

En réalité, nous nous ressemblons : il n'est pas impératif de partir très loin pour éveiller notre esprit ou aiguiser notre imagination.

Bien sûr, dans mon cas, l'un et l'autre exigent un coup de fouet : dans cette quête, il n'y a pas de ménagements. J'avoue n'être qu'un barbouilleur de couleurs.

Mais si je barbouille des carnets de voyage, ce ne sont pas des carnets de poche.
Il y a longtemps que mon sac allégé ne se charge plus, sur la route, de papier ni de gouache.
L'avantage pour moi qui ignore la miniature, c'est de n'avoir pas la contrainte du format.
L'avantage, surtout, c'est d'emmener à nouveau mes esprit sur les chemins tout en peignant à la maison.
Comme les souvenirs, les mots, les photos, le carnet est intime. Il engrange les pulsations du corps et de l'esprit. Je veux dire prétentieusement que je suis affamé, isolé, et soucieux, ou bien ébloui, multiplié et serein devant le cheminement sur ma toile, comme je l'étais tout au long du sentier.
Peindre, écrire, parler, serait-ce encore marcher ?

Pierre Hurteaux (29)  http://pierre.hurteaux.free.fr

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