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lundi, 18 novembre 2024 13:33

La nouvelle génération de femmes indiennes

Toc toc toc ! Elle m’ouvre la porte, met un doigt sur sa bouche et me dit : il est caché dans le placard ! Je rigole et lui dit que je reviendrai plus tard, un autre jour ! Nous sommes à Delhi en 1988 et elle est une jeune fille amoureuse du plus bel étudiant de la fac, évidemment. Plein de promesses, ce futur diplomate (qu’il ne sera jamais) est un étudiant brillant en économie politique et « fait le mur » de l’internat pour venir voir sa belle.

Pour l’instant tout est bien qui finit bien, l’une est du Nord et parle hindi, l’autre est du Sud et parle le malayalam, mais font leurs études en anglais. Les parents ont de bonnes situations et ne s’opposent pas au mariage. Je suis témoin de la mariée au mariage civil, nous ne sommes que quatre, les deux témoins et les mariés, sans tralala. L’important étant le mariage religieux. Ah ! pas de mariage religieux ? Ces mariés sont vraiment progressistes ! Par contre, le banquet se fait dans un grand hall avec quelque trois cents invités. Il convient de rendre toutes les invitations auxquelles les parents ont déjà été conviés. Je suis un petit centre d’intérêt pour certains jeunes qui me demandent quelle langue on parle en France ? Pas l’anglais ? Non, simplement le français…  Comme c’est curieux.

Le nouveau marié obtient une bourse d’études pour Londres et la nouvelle épousée une bourse pour terminer ses études de français à Grenoble. Ce sera plus facile pour continuer à nous voir. Elle obtient ensuite facilement un poste de professeur de français à l’université de Sunderland en Angleterre et lui, peine pour terminer sa thèse d’économie, qu’il ne finira jamais.

Elle, ambitieuse et volontaire, travailleuse et douée veut que son mari réussisse à tout prix. Mais il semble préférer maintenant s’occuper de leur nouveau-né plutôt que de penser à une chaire d’économiste. Le couple bat de l’aile et l’un des oiseaux va retourner dans le sud de l’Inde chez ses parents. Elle, garde le fiston, affronte le racisme anti-indien, gère sa vie de mère célibataire et vient pleurer dans ma salle de bains en disant qu’elle veut se suicider. C’est de sa faute, il ne fallait pas faire un mariage d’amour, ça ne dure pas. Elle aurait dû faire comme sa petite sœur, attendre qu’on lui trouve un mari, aller l’observer en douce un jour de marché, voir s’il avait une bonne figure, accepter le défi et se marier pour la vie.

Quand je lui dis qu’elle pourrait se trouver en ce moment dans un bidonville de Calcutta ou de Bombay, sous un abri de tôle percuté par les pluies de mousson, avec son gamin à moitié mort de faim, elle se met à rire. C’est bon, c’est reparti, mais cette fois, elle va accepter l’entremetteuse… Il est bien évident que si jeune elle ne peut rester seule, contrairement à ce qui se passerait si elle était restée en Inde dans une famille traditionnelle.

Les relations de la famille recherchent celui qui pourrait lui convenir, il se trouve un peu loin, mais il est dans la même situation : divorcé, avec un fils du même âge, une bonne situation avec la carte verte en bonus car il travaille aux Etats-Unis. Premiers contacts, voyage où se fêtent les fiançailles, mais la belle retourne dans son université anglaise car elle a un nouveau poste qui l’intéresse fortement. Après un an d’éloignement, le mariage est décidé, mais retour à l’université anglaise pour elle. Pas question de quitter son poste ! Son nouveau mari est patient, l’attend, que faire d’autre ? On discute toutes les deux et je lui dis que maintenant, elle a un mari quelque part et que ce serait bien qu’elle s’en souvienne !

Elle finit par prendre deux ans de disponibilité auprès de son université, on ne sait jamais, mieux vaut assurer ses arrières. Elle loue sa maison et part aux USA avec son fils.

Le temps passe, les débuts du couple ne sont pas très faciles mais il convient de faire au mieux pour s’adapter à cette nouvelle vie. Elle trouve un poste de lectrice à l’université de sa ville, se sent de nouveau pleine d’ambition et de projets.

Elle va venir en France chez moi avec son mari, un couple adorable et elle me confie « tu sais, je n’ai jamais été aussi heureuse ». Et voilà de quoi rajouter un bénéfice au mariage arrangé.

Elle a maintenant un poste très intéressant à l’université, a sorti un énorme bouquin sur le cinéma indien, se préoccupe de la cause des femmes et ses interviews d’acteurs et d’actrices sont très suivis sur les réseaux sociaux.

Il n’y a pas que des histoires tristes de jeunes veuves éplorées (que j’ai aussi en rayon !) Mais pour une fois, se rendre compte que le mariage d’amour n’est pas une panacée, qu’une femme indienne peut brillamment réussir sa vie et surmonter les obstacles, avec de la chance et une bonne famille, ce qui est loin d’être un cas général.

Et là, sur WhatsApp, elle vient juste de me faire parvenir un message au sujet du procès de Mazan : « je suis surprise du manque de loi concernant la question du consentement en France. Ou est-ce que je me trompe ? »

Elle est là, la nouvelle génération de femmes indiennes.

Madeleine Lacour.

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