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vendredi, 11 décembre 2015 15:36

Masaï-Mara : Adieu les Big Five !

Masaï-Mara : Adieu les Big Five ! Tony Crocetta
Deux lions mâles à belles crinières noires somnolent paresseusement à l'ombre d'un acacia ! Tout autour, la savane blonde, infinie, brûlée d'un soleil ardent, danse sous la brise légère. Quelques véhicules tout-terrain défilent cycliquement devant les patriarches. Les touristes en mal de belles photographies et de sensations fortes s'impatientent un peu mais réalisent toutefois quelques clichés. Il faut bien rentabiliser le très cher coût du safari. Lorsqu'ils interrogent leur chauffeur, c'est la même question, sempiternelle, qui revient systématiquement : "Ils vont dormir encore longtemps" ?

- "Cà dépend, on ne peut pas savoir. Les lions sont vraiment actifs et chassent surtout de nuit. Aux heures chaudes, la savane se fige. Ils vont sans doute dormir comme ça, toute la journée. "

La culture Massaï a sans doute contribuée, jusqu'à il y a peu, à la conservation de l'écosystème du Masaï Mara, le parc mythique, théâtre de la grande migration des gnous et de ses spectaculaires "crossing", qui attiraient, jusqu'à il y a peu, des dizaines de milliers de visiteurs du monde entier. Le Masaï-Mara, le plus célèbre, le plus somptueux et le plus riche sanctuaire sauvage d'Afrique, permettait d'observer, en une unique journée de safari, les fameux big five (lion, rhinocéros, éléphant, léopard et buffle) les espèces que les premiers colons blancs tuaient plus volontiers, "avec noblesse", lors de chasses imbéciles.

Le peuple des fiers guerriers Massaï, autrefois nomade, vivait en symbiose avec la grande faune charismatique des savanes d'Afrique de l'Est. Et si un jeune "morane" tuait parfois, tradition oblige, un lion à la sagaie pour prouver son courage et devenir un homme aux yeux de sa communauté, cela n'impactait nullement l'équilibre séculaire qui régissait les savanes d'Afrique de l'Est depuis la nuit des temps.

Les temps ont changé ! La sédentarisation, la démographie galopante que connaît le Kenya aujourd'hui, la pression humaine ont bouleversé le fragile équilibre de la réserve ! Aujourd'hui, le constat est aussi alarmant que désespérant.

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Les feux de brousse, allumés cycliquement sans aucun contrôle, ont anéanti toute une frange de petits animaux, reptiles, insectes, oiseaux. Qui peut se vanter aujourd'hui d'avoir observé une tortue lors d'un safari à Masaï-Mara ? Les lycaons, tués jusqu'au dernier, ont disparu depuis belle lurette. La petite trentaine (vingtaine ?) des derniers représentants du rhinocéros noir ne se reproduit plus (un vaste complexe hôtelier fut édifié tout récemment au cœur de leur dernier sanctuaire forestier de reproduction). Ils sont liquidés par les braconniers, les uns après les autres, lentement mais sûrement. Les guépards, l'une des espèces les plus emblématiques et attractives pour les touristes, ne se comptent plus que par quelques dizaines d'individus. Cette espèce erratique, sans territoire, à la biologie fragile, se trouve bien trop à l'étroit sur les derniers 1500 kilomètres carrés du parc, chaque jour davantage grignotés. En compétition avec les grands prédateurs, elle ne fait pas le poids : près de 95% de ses petits sont décimés par la destruction (lions) prédation (hyènes, chacals et babouins...) et le trafic (google-isez Dubaï cheetah par exemple sur votre clavier d'ordinateur pour vous en convaincre...) sans que cela ne semble émouvoir les rangers du parc !

Les éléphants tombent comme jamais auparavant sous les balles ou les flèches empoisonnées des braconniers partout au Kenya : les conteneurs d'ivoire à Mombasa et l'orphelinat des éléphanteaux à Nairobi ne désemplissent plus !

Le nombre de lions est en diminution constante depuis plus de 20 ans. Révolu le temps, jusque dans les années 90, où l'on pouvait encore observer des clans de plus de 40 individus, voire davantage. Les jeunes lions mâles, lorsqu'ils atteignent l'âge de deux ans, sont chassés des troupes et doivent conquérir un territoire, pour s'y établir et fonder leur propre clan ; la biologie de l'espèce l'exige ! Mais de nouveaux territoires, il n'y en a plus ! Le parc est désormais cerné de toute part par les activités humaines, le pastoralisme, l'agriculture... Et quand bien même ces jeunes lions oseraient s'aventurer, en désespoir de cause, dans les zones limitrophes pourtant dites de "conservation", ils n'y trouvent que la pointe d'une sagaie et les balles. Qu'ils aient l'outrecuidance de dévorer une vache qu'on leur apporte pourtant sous leur nez, la sentence est sans appel : le poison et la mort...

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Pour couronner le tout, chaque nuit, des milliers de têtes de bétail investissent illégalement la réserve, jusqu'en son cœur le plus profond. Les autorités gestionnaires du parc et les rangers ferment les yeux ! Les Bomas sont d'ailleurs stratégiquement positionnés sur sa frontière même ! Outre le dérangement permanent, les vaches sont accompagnées de chiens qui errent librement dans la réserve et détruisent les jeunes gazelles ou les portées de guépardeaux ! Ces intrusions constituent sans nul doute le plus grave fléau pour la réserve. Imaginez ce que serait devenu le Masaï-Mara si sa frontière Sud avec le Serengeti tanzanien ne lui permettait pas d'échapper totalement à l'étouffement. Nous n'en parlerions même plus aujourd'hui !

Bilashaka et le marais de Musiara n'appartiennent plus désormais au clan de la Marsh Pride, les lions les plus célèbres d'Afrique, starisés par les documentaires de la BBC : ils en sont chassés chaque nuit par les éleveurs de bétail et n'y reviennent finalement plus ! D'ailleurs, à l'heure où j'écris ces lignes, la Marsh Pride, empoisonnée, mutilée, n'est plus que l'ombre que de ce qu'elle était jadis...

Les safaris kenyans ne font plus rêver depuis bien longtemps ! Ebola et le terrorisme y ont sans aucun doute leur sinistre part, mais pas que...

Le pays est aujourd'hui à la croisée des chemins : il devra relever un difficile défi : sauver ce qui peut encore l'être, sauvegarder à tous prix son unique et merveilleux héritage. La culture Masaï doit s'adapter, entrer résolument dans le monde moderne... ou dire adieu aux temps heureux des safaris et à sa manne financière, pourtant indispensable facteur de développement. Cela est possible, la gestion exemplaire du Trans-Mara (rive droite de la rivière Mara) est là pour le prouver.

En laissant mourir le Masai-Mara, le Kenya est en train de perdre son plus beau fleuron, sa plus belle carte postale, sa vitrine, son meilleur atout...

Mais, manifestement, il ne l'a pas encore compris !

< Texte et photos deTony Crocetta



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