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mardi, 14 janvier 2014 18:56

Tête de Yak (Mongolie)

Le silence émane de l’horizon aux douces rondeurs. Il imprègne l’air à peine parcouru d’un friselis sur la steppe et enveloppe les trois yourtes inoccupées en mi-matinée. Depuis un long moment, je suis juste debout à quelques pas de la belle porte décorée d’arabesques bleues sur fond orange. Harmonie entre les couleurs vives peintes par les propriétaires, l’intensité bleue du ciel mongol et les jaunes dorés de l’herbe sèche. Écho entre mon immobilité parfaite et le si vaste silence…

Seule Pas besoin de pivoter pour embrasser tout l’horizon ouvert dans toutes les directions. L’espace est inanimé à mes yeux d’occidentale : les troupeaux de pattes courtes, de pattes longues, de museaux chauds, de museaux froids sont partis, tôt et loin, vers les pâturages de début d’automne. Tout à l’heure, il restait un cheval entravé et la maîtresse des lieux en sur - vêtement — le beau del brun ceinturé d’orange, c’est pour le soir, peut-être à cause de l’invitée que je suis. Le temps que je m’éloigne de cent mètres, tout à l’heure, elle avait dû sauter en selle sans aucun bruit car les sabots non ferrés volent sur le velours de la paillasse. Les voisins ne sont pas loin, au revers abrité d’autres collines deux ou trois ondulations de steppe plus loin. Depuis une semaine, je suis une hôte, toute petite, attentive par tous mes sens à la vie de cette famille nomade. Pas de paroles échangées, juste deux mots en deux langues “merci” et “on y va” et d’immenses sourires réciproques accompagnant des gestes d’aide, de prévenance ou d’invitation. J’aime me perdre ainsi dans un ailleurs lointain et si possible hospitalier.

Humble Debout toujours — mais sans fatigue — je déguste l’air que j’inspire. Humilité d’avoir vu s’envoler les angoisses de ma vie passée qui collaient encore à mes bagages à Oulan Bator. Humilité aussi de ne pas savoir monter à cheval. Je ne sais pas non plus comment participer au travail du soir, la longue traite ; immobile à côté, je m’amuse des facéties des veaux et des poulains et m’enchante des mélopées des femmes. Je sais juste alimenter le feu en bouses sèches et en écorces, je peux seulement aider à convoyer les bidons d’eau, laquelle est la grande absente, mais l’adaptation à cette économie est astucieuse. Conscience simple des “choses” de la nature dont je ne peux connaître ni les noms ni les usages. J’imite humblement.

Adoptée Personne. Et moi, béate au soleil. Je ne sens même plus ma propre existence comme si cette expérience de “bonheur” ou d’“heure bonne” pouvait être universelle, commune à l’homme, aux animaux et à toute la nature. Silence toujours. Un peu de vent. Puis un doux pépiement… deux ou trois moineaux (ou leurs frères)… puis dix moineaux s’abattent sur l’arène savoureuse des crottins ! Mais d’où arrivent-ils ? De chez les voisins ?

La toile des pentes de yourte n’est pas un bon lieu d’atterrissage. Il n’y a pas de buisson, juste les piquets des parcs où les oiseaux se posent fugitivement. Ce soir, ils auront le choix de se poser sur les crinières et les croupes des troupeaux rassemblés. À cet instant la sarabande des moineaux autour de moi est effrénée… Je suis figée et hypnotisée.

Deux petites griffes dans mes boucles de cheveux gris s’emmêlent et tirent. Envol presque instantané. Confusion et surprise réciproque. Tête de yak ! Je suis à ma place ici.

< Texte France Vulliet (74)
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