You have no items in your shopping cart.

Vous êtes iciAccueil|La vie de l'association|Récits de voyage|Le Mustang : Au pays de Lo
mercredi, 12 février 2014 18:07

Le Mustang : Au pays de Lo

Au pays de Lo dans les pas de Michel Peissel
Dans les années soixante,Michel Peissel, ethnologue, explorateur et écrivain, est l'un des premiers à pouvoir sillonner les royaumes fermés de l'Himalaya. Cinquante ans plus tard, qu'est devenu le Mustang "le royaume tibétain interdit" ?

Au sommet d'un col se découvre soudain Lo Mantang, capitale du royaume du Mustang. La voilà donc enfin la fière cité fortifiée du Pays de Lo. Elle hante mes rêves depuis que j'ai lu le récit qu'en a fait
Michel Peissel, l'un des premiers Occidentaux à s'y intéresser et surtout autorisé à y séjourner. C'était en 1964, mais peu de choses semblent avoir bougé depuis ce temps-là.
Les contours de la ville sont simples : un grand rectangle de 350 mètres de long environ sur 150 mètres de large et dont on aurait coupé le coin Nord-Est, on bute sur les hauts murs blancs du palais royal et ses cinq étages. À gauche, après quelques échoppes, s'ouvre une belle place agréable et bien ensoleillée, le centre de la vie urbaine. Là se trouvent une guest-house, la poste et le bureau d'enregistrement des permis qui est notre première occupation.
"La cité ressemblait à un château-fort géant, posé par la main de quelques dieux guerriers au milieu d'un désert infernal". (Michel Peissel)

Mustang2La ville intra-muros renferme quelque 120 maisons serrées les unes contre les autres et séparées par des venelles qui ont rarement plus de deux mètres de large. Le rez-dechaussée est réservé à l'étable ou à la boutique.
Le premier étage est celui où l'on se tient en hiver. Cédant à l'invitation d'un villageois, nous montons sur son toit en terrasse pour admirer la vue sur les murs du palais du roi et des monastères ; sur les grains et crottins étalés au soleil ; sur les empilements de bois qui, en raison de l'absence presque totale d'arbres, se composent de racines noueuses et de buissons épineux. Mais le combustible ordinaire reste la bouse de yak. D'ici la vue plonge aussi sur les bâtisses qui s'étendent désormais hors les murs, hors de l'enceinte historique.

Ambiance "premier matin du monde"

Le lendemain, réveil au son des clochettes des chevaux et des meuglements des vaches. Les bergers emmènent paître les troupeaux de chèvres. Un homme conduit une paire de yaks. Il est suivi d'un autre qui porte la charrue en bois à soc unique sur l'épaule. Au sommet d'un pic voisin à 4 000 mètres est juchée une vieille forteresse : le fort de Ketcher dont il ne reste que des murailles massives, usées par le vent et la pluie. Bâtie par le grand Ame Pal (1380-1450), premier des rois du Mustang. D'ici, on jouit d'un panorama à 360° qui permet d'apercevoir toute la chaîne himalayenne avec le Nilgiri-Nord (7 060 m), le Tilicho (7 139 m), l'Annapurna I (8 091 m), le Thorung peak (6 488 m), le Chulu-Ouest (6 419 m) ; au nord, seul Nyambo, dernier village avant la frontière chinoise, reste invisible dans un repli de terrain.

Comme Peissel, je suis frappé par la quasi absence d'arbres. Les seuls que l'on voit ont été plantés, alignés le long des canaux d'irrigation.

"D'où venez-vous ?"

Jigme Dorje Tandrul, 25e roi du Mustang*, descendant d'Ame Pal en lignée directe (même "os" comme on dit ici), nous accorde une audience en son palais de Lo.
Le monarque a coutume de recevoir les visiteurs étrangers. Il suffit de prendre rendez-vous la veille et de se munir d'une kata (écharpe de soie blanche). "D'où venez-vous ?" est la seule question que pose toujours ce vieil homme de 72 ans qui parle tibétain, à peine népalais et pas du tout anglais. Non, il ne vit pas toujours ici mais dans sa maison de Katmandou.

Non, il ne se souvient pas du passage de Michel Peissel ! Quant à la piste qui désormais relie son pays à la Chine — qui un jour devrait faire la liaison avec celle de Pokhara à Muktinath, relançant un axe d'échanges ancestral — il y voit pour son peuple le risque d'une perte de sa culture. Un de ses neveux rencontré à Tsarang est plus optimiste, tout en reconnaissant que le mode de vie changera.
Il compte sur le tourisme amené à se développer, même si, pour l'heure, les habitants du Mustang en profitent très peu. L'ouverture du royaume en 1992 l'a fait connaître à l'extérieur et il reçoit de l'argent de diverses fondations, notamment américaines, employé en premier lieu à la réfection des monastères. Ce n'est pas sans émotion que nous quittons
Lo Mantang, petite cité bâtie il y a bien longtemps, à 3 200 m d'altitude, par des hommes qui ont trouvé le moyen d'y survivre. Si le modernisme commence à apparaître, rien n'a encore vraiment changé.

Loin du monde des vivants

Mustang3Le chemin du retour passe par le village de Dhakmar qui s'étire au pied d'une grande montagne rocheuse du plus bel orange, d'où son nom qui signifie "falaise rouge". L'érosion a creusé des tuyaux d'orgue et l'homme des cavités qui ont servi d'habitations troglodytiques ou de lieux de méditation pour lamas vertueux pour lesquels un isolement complet de 3 ans, 3 mois et 3 jours était la durée idéale. Peissel raconte avoir dérangé la retraite d'un de ces ermites enfermé depuis 7 ans dans une pièce du monastère de Tsarang et auquel il restait encore 5 années de retraite, loin du monde des vivants.
Un très long mur à mani nous accompagne ensuite pendant 300 mètres. C'est le plus long du Mustang. Il représenterait les entrailles d'un démon tué bien des années auparavant par le saint Urgyen Rimpoche. Il l'avait démembré, jetant son coeur au plus profond des ravins du Mustang où s'éleva plus tard le monastère de Gekar. Puis, prenant les poumons du démon, il s'en était débarrassé, formant ainsi les falaises roses et rouges qui nous encerclaient. Quant aux entrailles, il les avait jetées à terre, là où s'élève aujourd'hui le grand mur de prières.

Le vent, toujours le vent, fidèle au rendez-vous chaque après-midi, nous accompagne à coup de bourrasques parfois violentes lors du passage du col de Syangboché. Ce vent s'engouffre dans l'entonnoir formé par les massifs de l'Annapurna et du Dhaulagiri. Il souffle sur le Mustang vers midi quand l'air au-dessus du Népal s'échauffe et tombe après le coucher du soleil quand la température se refroidit.
Du col, aussi loin que porte le regard, c'est un paysage de désolation totale. Pas une tache de verdure, pas un arbre, rien que des montagnes arides et découpées par des gorges profondes.
Même après plusieurs jours passés ici, on a du mal à s'y faire. Pourtant, cela est beau, très beau même.
Arrive un cavalier qui prend le temps de descendre de sa monture pour accrocher une énième kata au grand mât planté là et qui supporte déjà une armée de drapeaux à prière.
Que pense-t-il de l'arrivée de la piste ?
Deviendra-t-il un jour motard, automobiliste ou chauffeur routier ?

Préserver l'identité du haut-Mustang

Enfin le monastère de Kagbéni apparaît, petit carré rouge dans le lointain, qui marque la limite de la restricted area du haut-Mustang, mais aussi le retour à la "civilisation", avec ses nombreux lodges sur le tour fréquenté et libre des Annapurnas.
Alors on ne peut s'empêcher de se demander pourquoi le bas-Mustang est aussi développé alors que le haut-Mustang est encore arriéré.
La réponse tiendrait-elle à l'ouverture au tourisme, dont l'un profite, alors que l'autre ne fait que regarder passer les visiteurs et leurs dollars dont une grande partie reste dans les poches des agences de Katmandou. Mais quel autre moyen appliquer pour préserver l'identité du haut-Mustang ?

< Texte et photos Philippe Debard (54)

En savoir plus

Organisation d'un trek dans le haut-Mustang.


Lu 2727 fois

Derniers adhérents en ligne

adhabm   malaurensan   fmaignan   cpruvel   ccestia   gdbordage   geragouin   cavernon   becanler   opaugam   parousset   jpdevey   mduchesne   dstoecklin   frderenne  
Copyright © 2024 Aventure du Bout du Monde - Tous droits réservés
Joomla! est un Logiciel Libre diffusé sous licence GNU General Public