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mercredi, 26 novembre 2014 09:45

Voyage chez les Korowaïs

Le 22 novembre nous passons la nuit chez les Batus qui nous reçoivent agréablement. Notre apparition ne les étonne pas. Ils connaissent les « Esprits Blancs » car ils leur rendent visite de temps à autre. Aussi sont-ils sans crainte excessive, plutôt détendus et souriants.

         Nous atteignons le territoire des Korowaïs dans le village de Dambo. Ici les familles vivent dans des maisons construites sur les arbres. Nous ne sommes pas pour eux non plus une réelle surprise. Des Blancs, parfois, sont arrivés jusqu’ici, rarement, mais personne ne nous considère comme des esprits malfaisants.

         Chez les Korowaïs de Dambo nous approchons de notre but : les Sayots et les Chayaks situés de l’autre côté d’une frontière invisible, la fameuse « Ligne de Pacification », en pleine zone marquée sur les cartes « Cannibalism Area » ! Difficultés et émotions fortes sont pour demain ! Cette fameuse « Ligne de Pacification », personne ne l’a encore franchie, du moins pour autant que l’on sache et si quelqu’un avait réussi à le faire, il n’était jamais revenu pour le dire.

En attendant, avant d’aller plus loin, nous devons reprendre des forces, réviser notre matériel, embaucher de nouveaux porteurs, afin de se faire mieux comprendre, car ici les dialectes changent en même temps que les tribus rencontrées.

         Les contacts chez les Korowaïs sont assez faciles et je profite de ce moment de répit pour m’intégrer, autant que faire se peut, à leur vie quotidienne. Ils sont complètement nus. Mais ici, pas d’étui pénien démesuré. Il a été remplacé par une simple et modeste coquille de feuilles qui suffit à cacher le sexe viril. Les femmes portent un pagne de fibres végétales, à bourrelets chevauchants, de la taille d’une courte minijupe. Rien d’autre en dessous ! Ce qui pourrait apparaître comme une commodité, une simplification des choses de la vie.! Absence de pudeur ? On peut en douter. La pudeur n’a probablement pas grande signification dans ces populations. Il est beaucoup plus vraisemblable que la nature a imposé sa loi et que même un semblant de culotte dans un tel contexte d’humidité et d’abondance microbienne, tournerait bientôt à la catastrophe. Je constate, par exemple, que beaucoup de femmes se grattent et que leur peau se détache sur de vastes surfaces, sur les bras, le ventre, les cuisses… C’est le résultat de l’humidité provoquant l’apparition d’inguérissables mycoses.

         Je note aussi les mêmes aspirations discrètes à l’embellissement du corps, la présence de bijoux, essentiellement des colliers faits de graines ou de coquillages. Parfois une grande coquille rose en guise de pectoral relève la beauté des poitrails. Des os de chauve-souris fixés sur le nez des femmes leur confèrent un air inattendu de coquetterie entomologique. Les enfants, même très petits, portent également des colliers de cauris. Une nouveauté : de gros tuyaux de bambou traversent le lobe de l’oreille.

         Dans la hutte perchée sur un arbre, où nous avons pris place, nous découvrons les mêmes armes. Des arcs et des flèches à usage spécialisé, les unes pour les porcs, les autres pour les oiseaux, certaines réservées aux hommes. A l’entrée, sont installées des paquets de colonnes vertébrales de serpents, des crânes de cochons, de grosses coquilles d’œufs de casoars. Au milieu de la case, un feu brûle en permanence. Aux femmes l’obligation de faire la cuisine : du poisson, du serpent, du sagou grillé, des oiseaux, des larves… A cela il faut ajouter des racines, des bananes cuites dans la cendre. Le menu reste invariable et peu abondant. Les ressources alimentaires de la forêt sont clairsemées. Les femmes s’occupent des tâches ménagères, nourrissent les enfants. Les hommes fument du tabac dans de grands tuyaux de bambou à incisions géométriques. On fabrique de la ficelle et du fil avec des fibres d’écorce. On agrandit ou on reconstruit les maisons en pliant des feuilles de palmier sur des structures en bois. Les guerres entre clans mettent de temps en temps les villages en effervescence. Rapts de cochons ou de femmes en sont le plus souvent la cause. Elles se terminent aux premiers morts. Et tout se calme en attendant la prochaine attaque. De vengeance en vengeance, la guerre ne finit jamais. Mais peut-être n’avons nous pas raison de parler de guerre ? Ici règne une loi impitoyable, celle de la vie et de la survie. Cette loi impose de manger et de procréer. Elle est essentielle pour assurer la pérennité à la fois des individus et des groupes humains confrontés aux exigences des conditions naturelles.

         Les Korowaïs  sont de tradition paléolithique, ce que confirme un outillage de pierre fait d’herminettes seulement polies sur le tranchant.

         Ainsi, j’ai l’incroyable privilège de partager la vie d’hommes préhistoriques. Les Papous Korowaïs trouvent les glucides dans le sagoutier, un palmier dont le tronc contient de l’amidon. J’admire le savoir faire de ces hommes qui abattent l’arbre à l’herminette de pierre. Le tronc est ouvert sur le dessus, avec une racines de sagoutier aiguisée. On a l’impression d’assister à la fabrication d’une pirogue ! Bientôt toute la moelle de l’arbre est réduite en farine.! Riche en amidon, elle est transportée dans de longues gouttières qui ne sont autres que les longs pétioles des palmes du sagoutier. Dans ces rigoles on fait couler de l’eau, ce qui, par effet de lavage, sépare l’amidon qui s’accumule au point le plus bas, fournissant une masse blanche dans laquelle on découpe ensuite des pavés qui se conserveront pendant six mois. Avec le sagou on pétrit de grossières galettes que l’on fera cuire sur la braise.

         Les Korowaïs trouvent les graisses dans les vers blancs du sagoutier. Une fête du ver de sagoutier réunit plusieurs clans au cours de laquelle on échange des femmes.

         Ils se procurent d’autres corps gras dans les fruits du Pandanus, après cuisson. La chaleur est obtenue à partir de pierres chauffées à blanc empilées sur les aliments. Les fruits cuits sont ensuite pressés à la main pour en extraire un jus gras.

Je venais de parcourir 10 000 ans d’histoire.

< Maurice Thiney (21)

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